Son travail artistique au coeur de la forêt amazonienne est peut être le plus emblématique de ses projets. Philippe Echaroux photographie les visages d'indiens de la tribu Suruí pour projeter leur image sur les arbres de la forêt primaire. Le résultat se profile assez bluffant dans une combinaison mystérieuse entre la lumière, les couleurs végétales et les visages 'statufiés' des Surui.
The Faces of Trees
Bien sûr l'objectif du projet était politique afin de rappeler à l'opinion internationale les méfaits de la déforestation et du dérèglement climatique. Néanmoins, les convictions écologiques du photographe ne nous sont pas assénées d'une façon sentencieuse et moralisatrice comme c'est souvent le cas chez les 'artistes institutionnels. De manière assez subtile et sur le mode poétique le photographe nous convie dans un étrange ballet nocturne et panthéiste pour nous rappeler - au-delà des menaces environnementales qui guettent les Indiens - le rapport fusionnel entre la forêt amazonienne et ses premiers habitants. (Les visages des membres de la tribu Surui ont d'ailleurs continué à briller dans le jardin du Musée du Quai Branly - juste avant le reconfinement - avec l'installation multi-sensorielle Dans la Mémoire du monde.)
Tout ce travail artistique, qui privilégie la forme de la projection lumineuse éphémère, nous est raconté dans cet ouvrage particulièrement bien conçu alternant textes concis et nombreuses photos illustrant la variété géographique et thématique du travail de Philippe Echaroux. Ce dernier a débuté la photographie au même moment qu'une formation d'éducateur spécialisé. Et l'on peut découvrir dans l'ouvrage ses premières photos - réalisées dans un foyer de vie - montrant l'inclination particulière du photographe pour le portrait que Philippe Echaroux approfondit ainsi : Je considère que le portrait est une oeuvre que l'on crée avec le modèle: le portrait n'appartient ni au photographe ni au modèle. C'est bien une alchimie éphémère qui s'est créée entre les deux pendant un court instant.
Mais avant de projeter de nuit ses photographies et ses graffs cet artiste marseillais atypique, par ailleurs haut sportif et passionné d'escalade, choisit méthodiquement le site qu'il souhaite éclairer de son installation : un bâtiment, un arbre, un pont, une façade... Outre l'Amazonie cet aventurier original du street art a projeté ses installations lumineuses à Cuba où son mot LIBERTAD pixelisé a quelque peu déstabilisé le pouvoir politique ; à Los Angeles où déchets ramassés et portraits de locaux shootés forment une singulière esthétique surréaliste en papier mâché ; à Calcutta où les portraits des pauvres de la Cité de la joie s'entremêlent entre néons blafards et urbanisme tentaculaire. L'aspect futuriste et écologique de l'oeuvre de Philippe Echaroux intrigue. Naturellement, elle se profile visionnaire et novatrice...
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