Dans André Malraux : L'homme qui osait ses rêves, Guillaume Villemot nous dresse un portrait à la fois vif et attachant d'un des plus célèbres intellectuels français du XXe siècle. Ecrivain, aventurier, homme politique, militaire, amateur d'art, de femmes, André Malraux (1901-1976) aura vécu 1 000 vies ! Auteur par ailleurs de Quartiers Pop et d'un Charles de Gaulle, l'homme qui disait non, Guillaume Villemot nous propose un livre intéressant sur cette personnalité complexe, retraçant à la fois les principaux évènement de la vie de Malraux et tentant de cerner les aboutissements de ses engagements littéraires, militaires, politiques et humanistes. Fasciné par la personnalité de cet autodidacte, l'auteur a privilégié une façon simple et élégante d'aborder le grand homme, privilégiant des chapitres courts et variés, sorte de synthèse sur près de 200 pages donnant à la fois au lecteur des informations solides sur ce parcours de vie mouvementé mais aussi approchant au plus près l'essence de cet homme ambitieux et tourmenté, que l'on pourrait qualifier d'explorateur pour sa soif de tout connaître, que ce soit sous la forme de sa boulimie d'écriture, de ses incessants voyages en Afrique et Asie, de ses engagements dans la Résistance (même tardif !) et dans la guerre d'Espagne) ou dans sa volonté farouche de faire de la culture française un axe majeur de sa politique lors de son mandat de ministre de la Culture (1959-1969) sous la présidence de Charles de Gaulle. Par bribes, replaçant l'intellectuel toujours dans le contexte de l'époque, l'auteur nous évoque ce parcours à la fois lumineux et chaotique, comme lorsqu'en 1923, accompagné de sa femme Clara et d’un ami, Malraux, encore inconnu, monte une expédition au Cambodge pour voler des statues d’Angkor et les revendre. L’aventure tournera au fiasco et le futur politicien écopera même de la prison. A la fois hasardeuse et magnifique la notion de voyage, si chère à Cendrars, Loti et Rimbaud semble être une des clés pour appréhender Malraux. Villemot écrit : « Ce monde de l'Orient incarné par l'Inde, la Chine, le Japon ne cessera jamais de passionner André qui y multipliera les voyages tout au long de sa vie et même y consacrera ses derniers combats » (page 51). Egalement, le livre nous rappelle que Malraux se mettait constamment en scène - une des photos de l'ouvrage nous le montre en 1944 portant en tant que Colonel Berger un uniforme fantaisiste ! - que ce soit sous la forme de ses nombreuses métamorphoses en tant que journaliste de L’Indochine enchaînée, de combattant de l’antifascisme et d’Espagne, de résistant de l’Alsace-Lorraine, ou encore de compagnon de lutte de Charles de Gaulle.
Comme bon nombre de ses illustres contemporains (Sacha Guitry, Antonin Artaud), Malraux est porté par une théâtralité singulière qui peut paraître poussiéreuse aujourd'hui. Il y excelle en tout cas dans ses conférences ou meetings politiques. Sa gestuelle, ses discours fiévreux et imagés évoquent même parfois l'image de la figure du chaman possédé. Chez Malraux, la relation entre réalité et faits historiques est parfois floue. Dans L'homme qui osait ses rêves l'auteur note ainsi cette frontière ténue : « Dans ses Antimémoires, il ment quant à ses actions de résistance mais peut-être le romancier y prend-il le pas sur l'homme d'action et l'aventurier. Pour moi, ses affabulations sont des inventions par omission, presque des mensonge de honte d'avoir le sentiment d'être passé à côté de l'Histoire, lui qui a été de tous les combats de l'entre-deux-guerres, lui pour qui les injustices sont intolérables, lui pour qui les arbitraires doivent être combattus. » (page 106). Ces mensonges peuvent avoir un caractère enfantin et l'auteur cite le curieux « Je déteste mon enfance », qui débute quasiment ses Antimémoires publiées en 1967. A propos de cette période, Villemot écrit : « Son statut d'enfant ne lui plaît pas, il fait tout pour s'échapper en dévorant des livres, en arpentant les galeries d'art et les musées » [...] puis plus loin : « Ses études sont poussives, et lorsque, en 1918, il est refusé au lycée Condorcet, furieux de cette décision, il renonce à passer son bac ; plus tard, il justifiera ce choix en écrivant : 'Le sentiment de la révolte l'emportait de loin sur une aspiration à la notoriété" » (page 24). Par ailleurs, des drames personnels peuvent contribuer à éclairer la construction de la personnalité de l'écrivain comme la disparition de sa femme Josette Clotis, happée par un train à la Libération, morte quasiment sur le coup. Quant à Gauthier et Vincent, deux de ses enfants, ils meurent en 1961 dans un tragique accident de voiture. La lecture de ce livre nous rappelle que la vie de Malraux fut aussi un roman. Encensé pour son talent littéraire et ses combats contre le fascisme, il fut aussi beaucoup critiqué - notamment par les barons du gaullisme - pour ses complaisances envers le communisme et certaines de ses figures de proue.
De cet écrivain de premier plan aux contours humanistes, de cet amoureux de l'art et de la culture sous toutes ses formes, de ce communicateur hors pair, de cet intellectuel semblant perpétuellement « enfiévré »..., Guillaume Villemot nous fait un portrait à la fois saisissant et terriblement humain!
Guillaume Villemot, portrait, André Malraux : L'homme qui osait ses rêves, broché, grand format, éditions Baker Street, 190 pages, 2023
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