Dans Zoo story la vision d'Albee est particulièrement féroce, empruntant à la fois à la tragédie urbaine et aux convention du théâtre de l'absurde. Rappelons que la pièce fut écrite en 1958 par un écrivain à l'origine d'une multitude d'oeuvres, tous genres confondus, de sa pièce la plus connue Qui a peur de Virginia Woolf (1962) à The Man who had Three Arms (1983) en passant par Le Rêve de l'Amérique (1960), dédiée à sa grand-mère. Privilégiant des thèmes, comme la famille, l'homosexualité, l'origine ethnique, la domination sociale ou l'incommunicabilité, Albee compte probablement, entre Arthur Miller et Tennesse Williams, parmi les dramaturges du XXe siècle ayant le plus critiqué le bon rêve américain.
Zoo story - Théâtre de Poche-Montparnasse
L’histoire du zoo qui nous est contée, c’est celle d’un zoo humain et de sa loi de la jungle, qui n’a rien à envier aux animaux. Albee semble avoir une certaine tendresse pour les antihéros, ceux à qui personne n'a envie de ressembler ou qui irrésistiblement font fuir le bourgeois cultivé. Zoo story, c'est justement la rencontre de deux New-Yorkais aux antipodes : Peter, cadre bourgeois, père de famille et intellectuel ; Jerry, jeune bisexuel paumé, sans amis ni famille, aux nombreuses dépendances. L'histoire débute sur un banc de Central Park où interrompant sa lecture le placide Peter écoute poliment le sombre récit de Jerry. Prenante et pleine de surprises, la progression narrative de Zoo story emporte le spectateur dans un tourbillon théâtral que n'aurait pas renié Ionesco et Beckett. Cependant, l'étrangeté du théâtre de l'absurde se fait surtout ressentir dans le long monologue de Jerry, dans sa façon de raconter les frasques de son immeuble ou celle de décortiquer sur un mode illuminé voire mystique son rapport particulier au chien de la propriétaire. Sylvain Katan et Pierre Val forment un duo théâtral percutant, le premier dans la peau de Peter, l'éditeur installé ; le second, dans celle du vagabond Jerry.
Zoo story - Théâtre de Poche-Montparnasse
Texte ambigu aux intonations tragi-comiques, Zoo story scrute impitoyablement l'impossibilité de communiquer en milieu urbain, ce qui fait dire à un moment dans la bouche de Jerry : « C’est juste que si on n’arrive pas à entrer en relation avec les gens, il faut bien essayer ailleurs. Il faut bien trouver un moyen d’entrer en relation avec quelque chose ». Par le corps, leur voix, par un jeu étudié de désinvolture et de dégoût, par l'humour et la tension émotionnelle de leurs personnages qui enveloppent la pièce les deux comédiens nous proposent une prestation scénique de grande qualité. Objet de curiosité puis de répulsion sociale de la part de Jerry, Peter nous fait songer un peu au personnage pintérien de Davies (un autre vagabond !) dans Le Gardien (1960), incapable de s'adapter au langage hermétique de ses hôtes et cherchant à fuir un climat inhospitalier. Avec ses ses thèmes toujours actuels et ses réminiscences tragi-humoristiques, Zoo story, quoique écrit il y a plus de 50 ans, n'a pas pris une ride. Et le spectacle du Théâtre de Poche-Montparnasse constitue un bel hommage à l'oeuvre bigarrée et contestataire d'Edward Albee. « Pour Sylvain Katan et moi-même, Zoo story est le spectacle le plus profond et, d’une certaine manière, le plus grave, qu’il nous ait été donné de jouer ensemble », précisait récemment Pierre Val.
durée : 1 h 10
Zoo story de Edward Albee
Mise en scène : Pierre Val
Avec Sylvain Katan et Pierre Val
Théâtre de Poche-Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse
Paris 6e
horaires : du mardi au samedi à 21 h, le dimanche à 17 h
Zoo story de Edward Albee
Mise en scène : Pierre Val
Avec Sylvain Katan et Pierre Val
Théâtre de Poche-Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse
Paris 6e
horaires : du mardi au samedi à 21 h, le dimanche à 17 h
jusqu'au 19 novembre 2023
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