lundi 9 juin 2025

Crasse

Avec Crasse la Britannique Luna Carmoon  signe un premier long métrage étrange et touchant, explorant à travers la thématique du malaise adolescent les traumatismes d'enfance et la santé mentale.

Dans la première partie du film l'on découvre Maria, 7 ans, vivant une relation compliquée avec une mère aimante mais perturbée mentalement, car atteinte du fameux syndrome de Diogène et d'autres troubles. Puis dans une seconde partie l'on retrouve Maria dix ans plus tard vivant une vie paisible dans une famille d'accueil jusqu'à l'irruption dans un foyer d'un jeune homme plus âgé (Michel), qui vient bouleverser son quotidien. Ayant grandi dans le sud-est de Londres, la réalisatrice a puisé dans ses souvenirs personnels et tous les personnages du film jusque dans la nature des dialogues sont issus de cet univers familial.

Crasse

Dans Crasse l'on ressent une forte proximité entre la direction d'acteurs et les personnages, et sans doute ce film constitue pour la réalisatrice une tentative d'exorciser ses démons. Dans la première partie du film l'on voit Maria, entourée de camarades et de professeurs plus hostiles qu’amicaux. L'univers de solitude, de paupérisation et de rejet social dans lequel évolue Maria n'est pas sans rappeler parfois la grisaille qui s'exprime dans les longs métrages de Ken Loach. Personnage central de la première partie, la mère nous est montrée sous un regard cru dans ses expéditions nocturnes avec sa fille récupérant leur butin (boules en aluminium, craie, papier) ou à travers les rituels étranges qui se déroulent dans le foyer familial dans lesquelles objets, animaux et chansons ont une portée aussi symbolique que festive.

Crasse

Dans la seconde partie de Crasse Michel nous apparaît comme celui qui ravive chez Maria ses traumatismes. Lorsque Maria enlève son pull et se brûle le ventre avec le fer à repasser, la scène nous suggère que non seulement elle tombe dans la psychose du passé mais qu'elle tente de le recréer artificiellement. Par ailleurs à travers l'accumulation d'objets inutiles et sans valeur par Maria, la réalisatrice semble nous suggérer l'impossibilité qu'a son personnage de briser le cercle infernal de son lien fusionnel et mortifère avec sa mère.

Crasse

S'inscrivant dans une formule cinématographique sensorielle intéressante Crasse est un film aussi dérangeant que subjectif qui interroge le spectateur sur la difficulté d'une jeune fille (Maria) à mettre des mots face à des souffrances invisibles pour les autres mais que l'on devine issues de cette mère névrosée et borderline. Par son côté sombre et réaliste Crasse n'est pas sans évoquer des personnes jeunes de tous les jours, dont le mutisme, la boulimie ou la scarification ne retiennent même plus l'attention des gens et de leur entourage.

Crasse

Si le problème psychiatrique dont souffre Maria nous paraît d'une certaine ampleur, il n'en a pas moins une valeur universelle. Finement, ce petit film artisanal nous suggère l'ampleur d'une certaine déshumanisation sociale mais aussi la possibilité et l'espoir d'une résilience.
durée : 2 h 07

Crasse, un film de Luna Carmoon
Avec Saura Lightfoot-Leon, Hayley Squires, Joseph Quinn

(sortie nationale le 11 juin)

Crasse


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire