Au Studio Hébertot Séverine Vincent met en scène Quelque chose au côté gauche, d’après La mort d’Ivan Ilitch (1886) de Léon Tolstoï (1828-1910). Dans une performance remarquable Hervé Falloux interprète ce personnage déchiré et conservateur à l'âme terriblement slave.
Quelque chose au côté gauche est le troisième volet d’une trilogie commencée en 1992 avec le spectacle Mars qu’Hervé Falloux adapta du roman éponyme de Fritz Zorn. Il joua ce spectacle une centaine de fois à la Ménagerie de verre, au Théâtre Montorgueil, puis au Théâtre-Paris-Villette, avant de partir en tournée. Le second volet fut Nuits blanches d’après la nouvelle « Sommeil » d’Haruki Murakami qu’Hervé Falloux adapta et mit en scène au Théâtre de l’œuvre en 2015, avec Nathalie Richard comme interprète. Dans Quelque chose au côté gauche, nous retrouvons Hervé Falloux cette fois-ci dans la peau d'Ivan Illitch, ce magistrat russe qui à l’agonie s'interroge sur la vanité de la vie qu’il a menée. La scénographie se profile dépouillée. Juste quelques chaises recouvertes de drap blanc, un carré lumineux au sol et des éclairages indécis balaient nonchalamment la petite scène du Studio Hébertot. Vêtu d’une élégante pelisse blanche, Hervé Falloux interprète ce juge, déjà d'un certain âge, qui dans un monologue un peu exalté évoque avec une certaine allégresse l'apparat de sa vie mondaine, ses succès au whist ou ses conquêtes féminines. Puis dans la seconde partie du spectacle la décontraction des débuts se mue en amertume à mesure de l'évolution d'une étrange maladie qui le frappe au côté gauche. Dans une intéressante progression Hervé Falloux interprète avec brio ce personnage de nanti provincial de la Russie tsariste devenu par la rapidité de la maladie un aristocrate honteux n'osant plus regarder le miroir de son existence.© photo : Rosalie Adam
Hervé Falloux
Quelque chose au côté gauche - Studio Hébertot
Fidèle à l'esprit de la nouvelle La mort d’Ivan Ilitch ce spectacle solo fait ressortir les thèmes obsessionnels de Tolstoï mais aussi de bon nombre de ses contemporains russes ou romanciers naturalistes français : l'ascension sociale, la chute, le pouvoir, le luxe, le sexe, la mort. En outre, la langue slave de Tolstoï, simple et accessible - imprégnée comme chez Tchekhov de considérations anodines - fait mouche dans la bouche du comédien. Dans un jeu brillant où l'émotion côtoie en permanence le questionnement philosophique Hervé Falloux interprète avec vivacité cet homme dans son dernier combat avec lui-même, cherchant la rédemption. Une rédemption d'autant plus cruelle et problématique que le personnage de Ivan Ilitch est bien obligé de constater que cette image peu flatteuse que les autres ont de lui et qui lui a été longtemps « cachée » est en partie fondée. L'on signalera que la mise en scène de Séverine Vincent se profile efficace et dépouillée, rejetant tout pathos. C'est à un regard lumineux et fraternel que nous convie finalement Quelque chose au côté gauche. La vision presque apaisée d'un homme en sursis, qui au soir de sa vie a enfin la capacité de découvrir la réalité des êtres qui l'entourent : sa famille, ses domestiques, ses relations mondaines. Dans ce personnage écartelé entre tendresse et cruauté Hervé Falloux se profile particulièrement bluffant !
Quelque chose au côté gauche, d’après La mort d’Ivan Ilitch de Léon Tolstoï
Mise en scène : Séverine Vincent
Adaptation libre et interprétation : Hervé Falloux
Adaptation libre et interprétation : Hervé Falloux
Studio Hébertot
78 bis boulevard des Batignolles
Paris 17e
horaires : les jeudis, vendredis et samedis à 19 h
jusqu'au 27 novembre 2021
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire