lundi 3 juin 2013

Coco perdu





Adapté d’un récit de Louis Guilloux (1899-1980) et mis en scène par Thierry Lavat et Gilles Kneusé, Coco perdu surfe entre réalisme social et théâtre de l’absurde. C’est l’étrange histoire d’un homme, qui à la suite du départ précipité de sa femme, se trouve plongé le temps d’un week-end entre chien et loup dans un lancinant, grave et comique espace de questionnement.
Le spectacle débute sous l’apparence d’un amusant vaudeville : l’homme (Coco) accompagne sa femme (Fafa) à la gare, et rencontre sur le quai un militaire. Puis après le départ du train, l’homme pendant deux jours s’interroge confusément sur l’absence de sa femme. Une mystérieuse lettre, postée par Fafa peu avant son départ, lui fait pressentir qu’il en est le destinataire. Seul sur la scène du Lucernaire, Gilles Kneusé est simultanément Coco, le narrateur et l’interprète d’une brochette de personnages pittoresques qui peuplent l’univers de ce court roman de Louis Guilloux [le Sang noir (1935)] , auteur populaire un peu oublié aujourd’hui. D’emblée, avec Coco perdu, l’on est plongé dans un univers littéraire au charme provincial, généreusement ouvert à l’intime, à la tendresse mais aussi à la cruauté.

 Gilles Kneusé, Coco Perdu, Théâtre Le Lucernaire

Le climat général rôde autour d’un imaginaire de la vie quotidienne, rappelant un peu l’ironie désenchantée d’un Roland Dubillard ou d’un Marcel Aymé. Avec talent, Kneusé interprète cet homme « perdu » [comme le suggère le titre], cependant plus candide que déprimé. Assailli de souvenirs et possédé par d’anciennes bribes de conversation avec sa « Fafa », il est constamment, tout au long de ce week-end, confronté à des situations inédites : la rencontre nocturne d’un vagabond, une visite à son domicile d’un évangéliste qui veut lui vendre une biple, l’amusant repas pris en compagnie d’un représentant de commerce, par ailleurs futur macchabée… Par une rythmologie naturelle, le subtil et savoureux monologue déclamé par Kneusé emporte le spectateur dans une étonnante saga de la psyché, qui l’amène à suivre le questionnement intime de cet homme évoluant dans un décor  délimité par trois monstres emblématiques :  la gare, le restaurant-bar et la petite maison de Fafa et Coco. Pourquoi suis-je là et que fais-je ? lance Coco, résumant en ces quelques mots la menace qui plane sur une vie, coincée entre le dérisoire et la tentation nihiliste, qui lui échappe. A la fois drôle et gravement existentiel, Coco perdu se profile comme un surprenant spectacle.

durée : 1 h 10

 Gilles Kneusé, Coco Perdu, Théâtre Le Lucernaire


Coco perdu, d’après le roman de Louis Guilloux, adaptation de Gilles Kneusé
Mise en scène : Thierry Lavat et Gilles Kneusé
Avec Gilles Kneusé
du mardi au samedi à 21 h

Théâtre Le Lucernaire (salle Paradis)
53, rue Notre-Dame-des-Champs
Paris 6e

jusqu’au 31 août 2013






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