lundi 21 juillet 2025

Louis Bonaparte. Roi rebelle et mélancolique


Avec un luxe de détails la biographie fleuve de François de Coustin intitulée  Louis Bonaparte. Roi rebelle et mélancolique   fait découvrir au lecteur l'étonnant parcours de Louis Bonaparte (1778-1846), éphémère roi de Hollande moins connu que son célèbre  frère  Napoléon Ier  et son fils présumé Napoléon III. De ce souverain déconsidéré dès la première moitié du XIXe siècle    l'historien  français en brosse un portrait soucieux d'objectivité à la fois vif et nuancé reposant sur une abondante correspondance.Ainsi l'on suit à travers de nombreux extraits de lettres les relations à la fois amicales et houleuses entretenues par Napoléon Ier et son jeune frère de neuf ans son cadet. Le livre explore  le rapport complexe entre deux hommes ne partageant visiblement ni le même caractère ni la même vision politique, du moins lors du règne de  Louis Bonaparte en Hollande. Exhaustif car explorant autant la sphère privée que publique  l'ouvrage met en exergue ce lien ambivalent de Louis Bonaparte fait de sujétion et de révolte envers son glorieux aîné. Très tôt Bonaparte le prend sous son aile dans la maison familiale corse. Il pourvoit à son éducation, partage avec lui la vie de régiment, en fait son aide de camp en Italie et en Egypte. L'auteur commente de nombreux extraits de lettres que Louis a  adressées à l'Empereur, à Hortense de Beauharnais ou à des amis proches (Mésangère, Cuvillier-Fleury). Ces écrits  laissent percer une belle assurance et un certain entêtement mais aussi un questionnement aigu sur sa vie faite des multiples rebondissements dus à sa carrière militaire ou aux fonctions purement honorifiques que Napoléon Ier entend lui imposer. A son vieil ami d'enfance Mésangère il confiera ainsi sa frustration de n'être qu'un pion familial dans l'échiquier politique de son illustre frère : « Je hais la grandeur, le faste, les distinctions, les décorations, etc. […] Je tiens tout de mon frère […] La nation doit fournir à ses chefs, mais non à ceux qui n’ont de commun avec eux qu’un nom donné par le hasard. » En 1806 âgé seulement de 24 ans   il reçoit de Napoléon Ier le trône de Hollande (cadeau empoisonné ?). Finement, l'ouvrage met en pleine lumière à cette période la double opposition -  psychologique et politique - entre le « petit frère » et l'Empereur.  François de Coustin cite la fameuse et méprisante phrase de Napoléon Ier : « Vous marchez trop vite et sans conseils ; je vous ai offert les miens ; vous. me répondez par de beaux compliments et vous continuez à faire des sottises » (pages 211). C'est un  difficile travail d'équilibriste car Louis Bonaparte  se révèle un pur Bonaparte comme le souligne dans ce passage l'historienne Anne Jourdan* : « Autoritaire, voire autocrate, travailleur énergique, esprit curieux et éclairé, comme son frère aîné, il veut tout savoir, tout diriger et tout entreprendre. » Obligé de céder le Brabant hollandais et la Zélande, mis dans l’impossibilité par les exigences de Napoléon Ier de s’acquitter de ses devoirs envers ses sujets, Louis abdique finalement en juillet 1810 et s’enfuira en Bohême. Fille de Joséphine de Beauharnais, Hortense - avec qui Louis Bonaparte se marie en 1802 et lui donnera trois fils - est après Napoléon Ier le personnage historique le plus présent dans la biographie. Si dans leurs mémoires et souvenirs respectifs Louis et Hortense se déchirent, François de Coustin prend le parti de décortiquer à travers leur correspondance les griefs de chacun, remarquant malicieusement dans cet extrait  la différence de ton entre les lettres adressée par Louis à Hortense et celles à ses amis :  « Il y a quelque chose de troublant à lire en parallèle des lettres adressées à Hortense, qui même dans les moments de grande tendresse, restent tout de retenue, celles qu'écrit Louis pendant la même période à son ami Mésangère. Il y fait preuve de tant d'effusion que l'on pourrait se demander envers qui s'exprime le sentiment amoureux. » (page 108). Dans  Louis Bonaparte. Roi rebelle et mélancolique l'auteur a le souci  de replacer la vie privée du couple  dans le contexte politique de l'époque, rappelant au passage la grande proximité de Napoléon  Ier avec Hortense  (ce qui semble agacer Louis) et la rivalité qui existe entre le clan  des Bonapartes et celui des Beauharnais. Dans la mythologie napoléonienne   la place de Louis Bonaparte se profile peu reluisante.  Et encore aujourd'hui les historiens de  l'Empire posent un regard mitigé sur lui. Pour Thierry Lentz, il est un « personnage  taciturne  et cyclothymique, ne sachant pas toujours trancher entre le fruit de son imagination mélancolique (il composait des romans) et les réalités de la politique.» Charles-Eloi Vial http://blogdephaco.blogspot.com/2016/03/les-feux-de-la-monarchie-la-cour-au.html#more  le décrit en 1811 « traînant  sa mélancolie  et ses maladies étranges en écrivant de mauvais vers  et d'insipides romans  ». Dans  Louis Bonaparte. Roi rebelle et mélancolique François de Coustin semble-t-il par ses fines analyses et  une documentation la plus complète possible tente de réhabiliter l'action d' un souverain à la fois méconnu et mal-compris.   

* Anne Jourdan, Louis Bonaparte, roi de Hollande,  éditions de la Fondation Napoléon - Nouveau Monde Editions, 2010

François de Coustin, Louis Bonaparte. Roi rebelle et mélancolique, Histoire/Biographie, éditions Perrin, 617 pages, 2025

A lire :

Xavier Mauduit, L'homme qui voulait tout - Napoléon, le faste et la propagande, éditions Autrement, collection « Vies parallèles », nouvelle édition, 330 pages, 2021

Patrick Tudoret, La gloire et la cendre L'ultime victoire de Napoléon, livre broché, grand format, éditions Les Belles Lettres, 240 pages, 2021

Charles-Eloi VialMarie-Louise, éditions Perrin, 448 pages, 2017

Pierre Branda, Joséphine - Le paradoxe du cygne, éditions Perrin, 460 pages, 2016








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire