lundi 7 mars 2016

Les feux de la monarchie - La cour au siècle des révolutions 1789-1870




Dans Les derniers feux de la monarchie - La cour au siècle des révolutions 1789-1870, l’historien Charles-Eloi Vial propose une description inédite de la vie quotidienne des souverains successifs - de Louis XVI à Napoléon III - et de leur cour.
Erudit et passionnant, cet essai historique à l’écriture limpide nous plonge dans les arcanes du pouvoir des derniers rois de France.


L’histoire de la cour est surtout célèbre - et vulgarisée - par l’aspect ostentatoirement « bling-bling » de la pompe louis-quatorzième et par le luxe tapageur des représentants emblématiques de la monarchie absolue. C’est oublier que la cour, outre ses privilèges, fut au cœur même du système politique, social, économique et diplomatique instauré par la royauté. Egalement, la cour fut un lieu stratégique pour les artistes et les gens de lettres qui trouvaient là le plus rapide des ascenseurs sociaux. Explorant sa dimension politique ainsi que son cérémonial complexe, l’auteur,  archiviste-paléographe et conservateur à la BNF, nous propose un livre d’autant plus intéressant qu’il analyse subtilement les métamorphoses de la cour durant le XIXe siècle.

Couronnement de Charles X à Reims, le 29 mai 1825, 
Develly Jean-Charles (1783-1862), Sèvres, Cité de la céramique 

Cette tension permanente entre repli identitaire hérité de l’Ancien Régime et concessions au progrès social des temps nouveaux est sans doute la marque la plus visible qui se profile à travers l’évocation de chacun de ces souverains : Louis XVI, Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe et Napoléon IIII. Elle révèle à la fois l’arrogance de cette cour, sa capacité ou non de remettre en question ses acquis mais aussi la fragilité de son système politique. Judicieusement, Vial a sélectionné dans les archives de nombreux extraits qui éclairent sur les mentalités de la période étudiée, comme ce savoureux jugement de Charles de Rémusat (un des chefs de file du parti libéral) qui dans ses Mémoires croque ainsi Louis XVIII : « […] un vieux prince, un vieil émigré, un vieux débris des idées et des mœurs de Versailles (p.311) ou encore ce commentaire acerbe et moqueur de la duchesse de Maillé sur Louis-Philippe :

Fête de nuit aux Tuileries le 10juin 1867,
 à l’occasion de la visite des souverains étrangers à l’expo universelle 
Pierre Tetar Van Elven
 (1828 - 1908) Musée Carnavalet - Histoire de Paris,
 vers 1867 Huile sur toile 

« […] Cette simplicité, cette vie de famille au milieu de la population, lui réussit dans l’opinion. On rit fort aussi de la docilité avec laquelle il paraît à son balcon, lorsque le peuple l’appelle et chante la Marseillaise avec lui. Il met la main sur son cœur lorsqu’il commence le couplet ‘ Amour sacré de la Patrie ‘ avec un enthousiasme qui se renouvelle chaque jour et par conséquent ne peut être qu’une jonglerie ridicule assurément. Il manque en cela de dignité. » […] (p.340). Les derniers feux de la monarchie scrute à travers le phénomène « cour » la singularité de la persistance en France - durant près d’un siècle - du fait monarchique, évoquant clairement le fonctionnement de ces cours, écartelées entre nostalgie de l’Ancien Régime et obligation morale et politique de s’adapter aux temps nouveaux, le tout sur fond de clivage idéologique et de soulèvements populaires. A chaque  règne semble d’ailleurs correspondre de nouvelles stratégies de cour : rôle promotionnel du régime de Napoléon Ier assuré - en partie - par sa nombreuse famille corse aux ramifications européennes et rôle stratégique de l’impératrice Joséphine, bien introduite dans les milieux politique, artistique et intellectuel ; 

Souper des Dames dans la salle de spectacles des Tuileries en 1835, 
de Eugène Viollet-Le-Duc 

innombrables réceptions au palais des Tuileries comptant des milliers de notables sous Louis-Philippe, dont le soutien politique et électoral est destiné à assurer la survie du régime du roi bourgeois ; flamboyantes fêtes impériales sous Napoléon III. Plus discrète et moins apte à séduire, la cour sous la Restauration semble marquée à la lecture du livre par un certain immobilisme et surtout par le manque de charisme de Louis XVIII et de Charles X, le premier ballotté entre ultras et modérés ; le second, rendu impopulaire pour son conservatisme et une bigoterie ostentatoire. Le cas de Louis XVI est sans doute le plus spécifique. Vial nous décrit au quotidien la décisive période 1789-1792, nous suggérant toute l’ambiguïté de la position de ce pauvre Louis XVI, écartelé entre sa cour, une belle-famille autrichienne encombrante et une révolution qui lui est finalement étrangère. Truffé d’informations peu connues et offrant une synthèse très convaincante du phénomène « cour » de la période 1789-1870, Les derniers feux de la monarchie est un ouvrage très agréable à lire.

Charles-Eloi Vial, Les feux de la monarchie - La cour au siècle des révolutions 1789-1870, éditions Perrin, 579 pages, 2016










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire