lundi 23 août 2021

La gloire et la cendre L'ultime victoire de Napoléon

 

Dans La gloire et la cendre L'ultime victoire de Napoléon  Patrick Tudoret décortique  la fascination et l'amplification du mythe populaire pour l'Empereur. Soit juste 19 ans après sa mort, le 15 décembre 1840  se profile  un jour historique. En effet, avec grande pompe la France organisa le retour du cops du personnage  de l'Histoire de France sans doute le plus aimé mais aussi le plus haï : Napoléon !.   Il est certain que n'y voir qu'un évènement politique serait un peu limité.  Dès le premier chapitre Patrick Tudoret nous suggère d'ailleurs toute la latence théâtrale de cet événement considérable. Il écrit : « Que s'est-il passé ce jour là ? Un phénomène  romanesque comme l'histoire en offre peu, un de ces événements hors cadre dont, soudain, une forme de transcendance se saisit et fait un moment unique. » Pour mieux appréhender le phénomène de ce retour « médiatique » rappelons brièvement la légende napoléonienne, celle des grognards et de la mythologie forgée par Le Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases. L'on retrouve naturellement dans La gloire et la cendre  les principaux « acteurs » qui ont accompagné le petit théâtre des dernières années d'exil du grand homme : Montholon, Bertrand, Gourgaud, Ali... sans oublier hors de ce contexte le chansonnier Béranger, star de l'époque aujourd'hui oubliée, qui poussa à son paroxysme la popularité du mythe napoléonien. En cette année mouvementée de bicentenaire controversé l'ouvrage de Patrick Tudoret  a toute sa place. Il saisit  subtilement toutes les ambiguïtés de l'autre célébration, celle du 15 décembre 1840.  Il nous décrit cette journée assez spéciale avec d'un côté les misérables vieux grognards débarquant à Paris pour célébrer leur héros et de l'autre les politiques cyniques et blasés, attendant dans un ennui  profond la fin de la cérémonie d'hommage en l'église des Invalides. 


Avec une précision érudite d'historien  et un souffle certain d'inspiration  littéraire  Patrick Tudoret nous évoque cette fascinante histoire post mortem napoléonienne. Du voyage du cercueil de l'Empereur  sur la Belle-Poule en passant par le majestueux voyage du char funèbre en route vers Paris jusqu'aux manifestations populaires et autres cérémonies officielles, l'auteur nous en  conte par le menu toutes les tribulations.   Dans une analyse fine et synthétique  il nous montre bien que le retour des Cendres de Napoléon, organisé notamment par le prince de Joinville, le propre fils de Louis Philippe, est aussi un acte profondément politique. Il s'agit à la fois de contrer la menace anglaise et de tenter artificiellement de réunir  tous les Français dans une cérémonie hors du commun. (La même année un certain Louis Napoléon, neveu de l'Empereur et futur Napoléon III, organise un coup d'Etat contre Louis Philippe, par ailleurs objet de multiples attentats durant son règne !)     En outre, dans une langue à la fois imagée et flâneuse Patrick Tudoret nous évoque l'atmosphère particulière du  Tout-Paris littéraire et mondain de l'époque avec ses prestigieuses têtes de gondole : Balzac, Hugo, Gauthier, Germaine de Staël, Dumas... Egalement, il   évoque le monde des Mystères de Paris d'Eugène Sue et  à la vie trépidante des théâtres du  « boulevard du Crime »  avec leurs bateliers, leurs musiciens ambulants, leurs rites et parade costumée, comme celle immortalisée dans le film culte de Carné les Enfants du Paradis.  Pour conclure le profane et le sacré ne sont-ils pas au fond une constance en politique ? D'une certaine façon le brillant, littéraire et érudit ouvrage  La gloire et la cendre nous le confirme.  Comme le rappelle l'auteur, reprenant la  célèbre phrase de Péguy :  « Tout commence en mystique et finit en politique ».

Patrick Tudoret, La gloire et la cendre L'ultime victoire de Napoléon, livre broché, grand format,  éditions Les Belles Lettres, 240 pages,  2021







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