Au théâtre de la Contrescarpe (Paris 5e) l'on peut redécouvrir Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde. Ecrit et mis en scène par Laetitia Gonzalbes, c'est un spectacle poétique et très vivant dans lequel le duo formé par Elliott Jenicot et Anaïs Yazit nous invite à réfléchir sur l'identité de l'artiste et le miroir qu'il peut renvoyer. Musicien excentrique, avec un sens de l'humour original et extravagant qui se manifestait dans les titres qu’il donnait à ses œuvres (Morceaux de poires en clichés...), Erik Satie (1866-1925) est sans doute une des personnalités les plus étranges de la première partie du XXe siècle.
Outre son génie musical - il a composé plus de 150 oeuvres pour piano ! -, il est reconnu comme le précurseur de plusieurs mouvements, dont le surréalisme, le minimalisme ou encore la musique répétitive. Aussi énigmatique que sa musique, l'homme était réputé pour son humour corrosif (« Personnellement je ne suis ni bon, ni mauvais. J'oscille puis-je dire. Aussi n'ai-je jamais fait réellement de mal à quiconque ,-ni de bien au surplus »). Formé par Elliott Jenicot et Anaïs Yazit le duo théâtral de Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde se profile persuasif, incarnant deux personnages à la fois complémentaires et englués dans le tourbillon de la vie.
S'inscrivant naturellement dans cette fresque à la fois réaliste et fictive Erik Satie sous les traits du comédien Elliott Jenicot nous apparaît comme un être timide et écorché, dissimulant son génie sous une couverture humoristique et tendre. Quant à sa jeune partenaire, incarnée par Anaïs Yazit, elle se profile sous les traits d'une infirmière taquine et maternelle, questionnant la vie - et le gros ego du musicien ! - par un certain esprit de contradiction. Fluide et suggestive, la mise en scène de Laetitia Gonzalbes nous invite à mieux cerner la personnalité du musicien à coups d'indices comme scènes de danse, répliques grinçantes, bons mots, regards éloquents ou visuels style BD.
Derrière la légèreté et l'élégance de l'ensemble le spectateur peut deviner le cheminement tourmenté et labyrinthique du célèbre auteur des Gymnopédies. Plutôt que de s'appesantir à décrire chronologiquement une vie ou une oeuvre Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde semble s'être intéressé davantage à orienter le spectateur vers une réflexion sur l'univers de l'artiste, vers le secret même dans lequel réside le mystère Erik Satie. Chez ce dernier il est vrai le familier ne semble jamais très éloigné des complications engendrées par le génie. Cette « fantaisie », pourrait-on dire, semble être une caractéristique de la personnalité qui émane de l'homme mais aussi de l'oeuvre.
Un musicologue contemporain explore ainsi la dimension de Satie sous l'angle du familier : « Ce qu'il y a de caractéristique encore chez Satie, c'est le retour à « l'art familier », à une époque où les musiciens hésitaient encore entre le « sublime wagnérien ou franckiste » et le « raffinement nostalgique, lointain, nocturne et profond » de Claude Debussy et de Gabriel Fauré.
© Fabienne Rappeneau
Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde
Théâtre de la Contrescarpe
Les titres mêmes de ses pièces, souvent si baroques, attestent ce souci de familiarité. ». Enfin, l'on signalera les costumes délicieusement rétro de Claire Avias ainsi que les jolis décors aux papiers de partitions. Tout cela contribue puissamment au raffinement esthétique du spectacle et à un message philosophique sur la condition de l'artiste où harmonieusement se mêlent dessin, film d’animation, musique, danse et ombres chinoises.
durée : 1 h 20
Je m'appelle Erik Satie comme tout le monde, une pièce écrite et mise en scène par Laetitia Gonzalbes
Avec Elliot Jenicot et Anaïs Yazit
Création musiques et sons : Tim Aknine et David Enfrein
Création costumes et décors : Claire Avias
Illustrations et animations : Suki
Voix-off : Laetitia Gonzalbes, Jennifer Karen et Axel Krot Gonzalbes
Création musiques et sons : Tim Aknine et David Enfrein
Création costumes et décors : Claire Avias
Illustrations et animations : Suki
Voix-off : Laetitia Gonzalbes, Jennifer Karen et Axel Krot Gonzalbes
5, rue Blainville
Paris 5e
horaires : mercredis, jeudis, vendredis (21 h) ; samedis (20 h)
Relâches les 7, 8 et 9 juinReprise
jusqu'au 16 juin 2024
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