Grand cinéaste de l'enfance, Jacques Doillon dans CE2 nous propose un film à la fois touchant et incisif avec comme toile de fond le harcèlement moral dans l'univers scolaire.
CE2
Le film de Doillon s'attache à décrire les réactions de l'entourage des deux enfants face à ce harcèlement scolaire, celle de Constance (Nora Hamzawi) la mère de Claire mais aussi le point de vue ambigu du père (Gérald, Alexis Manenti) et de la mère (Sandra, Doully) du garçon harceleur. Egalement, à travers ses diverses équipes pédagogiques, CE2 interroge l'impuissance de la hiérarchie scolaire à régler ce genre de problèmes d'ailleurs généralement plus « médiatisé » dans les collèges que dans les écoles primaires.
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Il en résulte un film jamais ennuyeux, s'écartant habilement de tout naturalisme pesant. Certes, à travers ce nouveau long métrage, le réalisateur de La Fille de 15 ans explore la sphère sociétale sous toutes les coutures mais il le fait comme à son habitude en poète humaniste. Depuis plusieurs décennies, Jacques Doillon se glisse dans les marges d'un cinéma d'auteur exigeant, posant un regard à la fois curieux et complice (sans être démago) sur la jeunesse.
(Son premier film, Les Doigts dans la tête (1974) fut d'ailleurs salué par François Truffaut, dont il fut alors désigné comme un possible héritier.) De La Drôlesse (1979) à Ponette (1996) en passant par Le Petit Criminel (1990), il ne cesse d'interroger l'univers de l'enfance et sans doute CE2 se profile déjà comme un de ses films les plus personnels et aboutis.
Davantage que la dichotomie victime/bourreau le cinéaste semble s'être intéressé à part égale aux deux enfants. Et sans verser dans un style documentaire conventionnel la description du garçon harceleur et de son entourage familial par Doillon se révèle toute aussi intéressante que celle faite du monde de Claire. Même s'il ne se montre jamais physiquement, le climat de violence dans laquelle évolue mentalement Kevin nous est finement suggéré à travers la déchéance alcoolique de la mère et le style de vie improvisé et amer du père.
Et la fracture sociale, l'impossibilité du « vivre ensemble » nous est d'autant mieux exposée dans le long métrage par l'attitude tranchée des parents de chaque côté. En revanche, l'ambivalence des sentiments et des opinions des enfants sur ce qu'ils sont en train de vivre se profile plus marquée.
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Et c'est tout le talent de Doillon, qui fait mentir l'adage selon lequel il est difficile de diriger des enfants, d'avoir comme ambition cinématographique de faire exprimer comme en live et à travers le langage du quotidien les émotions de ses jeunes acteurs. Au niveau des personnages, adultes et enfants se révèlent tout aussi convaincants. Avec CE2 Jacques Doillon entreprend de poursuivre son exploration de l'enfance à travers un conte réaliste d'aujourd'hui à la fois tendre et cruel.
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