Avec Algunas Bestias, son premier long métrage, Jorge Riquelme Serrano signe un curieux thriller familial, imprégné de noirceur et mettant à nu les conflits générationnels.
Dolores et Antonio sont un couple de nantis. Ils sont invités sur une île reculée par leur fille Ana, son mari Alejandro et leurs deux adolescents pour concrétiser un projet financier. Les plans tournent court quand ils se retrouvent abandonnés par le gardien de l’île. Désormais sans moyen de communication, les membres de la famille tentent de survivre dans un climat hostile. Sous des dehors de robinsonade et d'e décor d'île paradisiaque Algunas Bestias est un film âpre et dérangeant, serpentant entre drame psychologique et critique sociale de la bourgeoisie chilienne. Au début de son film, Jorge Riquelme Serrano, nous montre les joyeuses retrouvailles de Dolores et Antonio avec leur fille, leur beau-fils et leurs deux petits-enfants.
Puis dans une intéressante progression narrative, il nous fait découvrir derrière cette civilité de façade les profondes dissensions au sein de cette famille, nous laissant deviner les failles de chacun. L'ennui de la vie conjugale, la différence d'âge, le poids trop lourd de l'argent dans la communication entre parents et enfants sont quelques-uns des thèmes sous-jacents à ce film tout en clair-obscur, qui habilement dans ses plans fait cohabiter sous une forme suggestive et avec un certain talent bouillonnante frustration des personnages et beauté paradisiaque d'une île du sud du Chili.
Le cinéaste nous montre crument ses personnages livrés à eux-mêmes, progressivement obligés de justifier de leurs contradictions ou de leurs lâchetés. Subtilement, dans une progression cinématographique très lente mais captive, Serrano met en scène, tout en privilégiant un espace sonore entre chien et loup, le crescendo de non-dits familiaux jusqu'à l'explosion de leurs rancunes. Il utilise avec un certain panache cinématographique les mêmes procédés utilisés avant lui par Luis Buñuel dans L'Ange exterminateur (1962) ou Thomas Vinterberg dans Festen (1998).
Subtilement, le réalisateur alterne scènes joyeuses et dramatiques, choisissant vers la fin d'aborder le délicat problème de l'inceste dans une scène dérangeante où l'on voit le grand-père Antonio caresser longuement sa petite fille. Cet inceste, qui a une résonance encore plus particulière dans le contexte du Chili très catholique, symbolise l'expression ultime de l'échec et de la décadence de cette famille.
D'une certaine façon Serrano, davantage que porter un jugement moral dans Algunas Bestias, nous décrit un simple processus de décomposition. Au final, l'on recommandera ce premier long métrage atypique pour son fort climat cinématographique ainsi que pour l'aisance et l'authenticité de ses acteurs.
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