Conférence est inspiré par la prise d'otages du théâtre Doubrovka de 2002 où près de 130 spectateurs avaient trouvé la mort. A partir de ce fait divers tragique le réalisateur Ivan I. Tverdovskiy nous propose un film poignant et méditatif, questionnant la capacité de résilience du peuple russe. L'intensité dramatique de cet évènement en Russie n'est pas sans rappeler celle qui suivit en France les attaques terroristes et les prises d'otages de 2015. Et le regard cinématographique que porte Tverdovskiy à la fois sur les victimes moscovites et les conditions dans lesquelles s'est déroulée cette prise d'otages est tout à fait intéressant.
Conférence
Conférence est un film aussi étrange que prenant dans sa façon d'appréhender, entre réalité et fiction, les évènements dramatiques de la Russie de 2002. Et sans doute beaucoup de spectateurs auront l'impression de voir un pur documentaire alors qu'en fait les histoires racontées dans Conférence sont vraies mais jouées par des acteurs, à l'exception des deux jeunes hommes (Filipp et Roman), qui y racontent leur prise d'otages quand ils étaient enfants. Dan Conférence cette ambivalence entre documentaire et fiction se profile des plus troublantes.
Conférence
Tverdovskiy a d'ailleurs démarré sa carrière dans le documentaire, genre qu’il n’a pas quitté et qu’il a poursuivi parallèlement à ses fictions. Dans un climat lourd, chargé d'émotion et de retenue, Tverdovskiy montre, à travers le témoignage de ces victimes au destin brisé, tout le poids de l'Histoire ainsi que le rôle de la mémoire dans le processus de reconstruction de la personne. Le réalisateur nous les montre réunis, 17 ans après la prise d'otages, dans ce même lieu de souffrance (le théâtre Doubrovka). Il nous informe avec une variété infinie de détails comment chacun d'eux a pu percevoir l'évènement.
Conférence
Il y a sans doute dans sa manière de filmer quelque chose de bergmanien. Tverdovskiy filme en gros plan les visages des différents intervenants, semblant un peu perdus et lilliputiens dans cette immense salle peuplée de mannequins de couleur, rappelant à la fois la présence fantomatique des terroristes, des otages disparus ou simplement absents. Natalya Pavlenkova - qui interprétait aussi le rôle principal dans le précédent et bien curieux film de Tverdovskiy [Zoologie (2015)] - joue Natasha, un personnage ambivalent, tiraillé entre l'organisation de cette soirée commémorative pour les familles des victimes de l'attentat d'octobre 2002 et des secrets de famille débouchant sur des querelles incessantes avec sa fille.
A travers le témoignage poignant de ces otages Tverdovskiy explore le thème de la peur et nous suggère comment chacun a appris à l'apprivoiser. Mais il nous montre aussi le mécanisme solitaire du combat de Natasha dans sa décision têtue de proroger cette réunion contre l'avis des autorités. Le film d'ailleurs privilégie la position de l'individu face à une société russe que l'on peut facilement deviner injuste et bureaucratique.
Conférence
D'autant plus que toute l'oeuvre de Tverdovskiy se nourrit d'un cinéma du réel, voire farouchement politique, mettant souvent en exergue des marginaux confrontés à un univers corrompu. Avec Conférence, son 4e long métrage, Ivan I. Tverdovskiy décrit certes le syndrome post-traumatique. Mais il le fait avec un humanisme bien trempé et une certaine poésie, très slave. A propos de son film il précisait : « La Conférence, c'est une soirée de souvenirs, le rassemblement d'un groupe de personnes qui tentent de revivre et de transformer cette expérience émotionnelle. Le spectateur a la possibilité de faire ce voyage dur et profond, mais en même temps utile.»
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