Ecrivaine-réalisatrice queer et américano-colombienne vivant à Brooklyn, le travail d’Alessandra Lacorazza se focalise sur la mémoire personnelle et collective avec des sujets comme l’aliénation, la communauté et la résilience. Dans In The Summers, premier long métrage, en partie autobiographique, elle explore sur un mode cinématographique touchant et original toutes les ambiguïtés de l'amour filial. La structure du film est découpée en quatre étés. Derrière la façade débonnaire d'un père aimant (Vicente), In The Summers questionne ses plaies cachées à travers le regard ambivalent de ses deux filles (Violeta et Eva) que l'on suit enfants puis à l'adolescence.
A travers le débordement d'attention que ce père manifeste envers ses enfants - dans l'histoire il en a perdu la garde -, ce long métrage, que l'on devine très personnel, interroge le personnage de Vicente, homme nerveux et angoissé mais convivial et attachant, ayant des problèmes d'alcool et d'addiction. Finement, René Pérez Joglar interprète ce personnage à la fois caricatural et réaliste, latino macho avec ses tatouages, mix de tendresse et de violence confuse. Quant aux actrices qui interprètent Violeta et Eva, enfants puis adolescentes, elles se distinguent par un jeu subtil, laissant deviner au spectateur certes l'amour qu'elles vouent à leur géniteur mais aussi la part d'incertitude et de méfiance que le mode de fonctionnement du père distille chez elles. (Dans l'histoire le père dénigre particulièrement une de ses filles, Eva, au physique plus masculin.)
Dans un petit film artisanal aux langueurs latino et aux paysages d'été arides (ceux de Las Cruces au Nouveau-Mexique) Alessandra Lacorazza met en exergue le rapport complexe entre générations. Plus précisément et sur un mode suggestif, le long métrage fait ressortir le décalage existant entre le père et ses deux filles, nourrissant chez chacun d'eux un sentiment diffus de culpabilité. Dans la dernière partie de In The Summers l'opposition et la différence de valeurs au sein de cette famille s'exprime plus nettement à travers la révélation de l'homosexualité d'Eva et le parcours universitaire des deux adolescentes.
D'une façon plus générale In The Summers explore l'identité latino-américaine aux USA. Et la réalisatrice, au-delà de l'opposition psychologique de ses personnages que l'on peut deviner, jette un regard perçant sur les dissensions culturelles et sociales qui peuvent exister au sein d'une même famille. Sans pathos, In The Summers instaure un fort climat cinématographique avec peu de moyens. Il ne s'y passe d'ailleurs pas grand chose. Et la plupart des scènes du film nous montrent les personnages dans des lieux balisés (maison familiale, pub, salle de billard).
Pour exprimer l'insouciance de l'enfance, le ravivement de blessures, l'évolution des rapports et le passage inévitable du temps Alessandra Lacorazza a choisi une temporalité poétique et mystérieuse, celle du fil des étés. Entre tension et légèreté In The Summers nous entraîne dans un univers intime où rien n'est jamais acquis. L'on saluera la performance des acteurs de ce film du cinéma américain indépendant, qui a remporté le Grand Prix 2024 du festival de Deauville.
durée : 1 h 35
In The Summers, un film de Alessandra Lacorazza, drame, Etats-Unis, 2024
Avec : René Pérez Joglar, Sasha Calle, Lío Mehiel, Leslie Grace, Emma Ramos
(sortie nationale le 9 juillet 2025)
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