Autoportrait de Ilya Répine (1878)
Actuellement le Petit palais consacre une intéressante rétrospective à Ilya Répine (1844-1930), peintre russe méconnu en France mais artiste majeur chevauchant les XIXe et XXe siècles sous les couleurs du réalisme et de l'Histoire... La scénographie immersive du Petit palais et le parcours de l’exposition oriente d'emblée le visiteur dans l'éternelle Russie des tsars et des révolutions, nous proposant ainsi un vaste panorama pour mieux découvrir ce peintre évocateur de l’âme russe. La peinture de Répine séduit à la fois par l'énigmatique expressivité de ses portraits, quand il peint par exemple son propre fils [Portrait de Youri Répine, enfant (1882)].
Mais aussi il excelle dans d'imposants tableaux réalistes représentant des mouvement de foule [Le 17 octobre 1905 (1907)] que n'auraient sans doute pas renié des romanciers naturalistes tels Zola ou Dickens. On remarquera aussi la puissante empreinte historique de son oeuvre à travers de vivants tableaux comme par exemple celui intitulé Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie (1880-1891). Par leur verve et leur festif climat provincial ces tableaux nous rappellent parfois certaines joyeusetés des peintres néerlandais du siècle d'or comme les scènes de genre de Jan Steen ou de Frans Hals.
Ilya Répine, Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au sultan de Turquie (1880-1891)
Galerie nationale Trétiakov, Moscou
Sadko dans le royaume sous-marin (1876) est un autre énigmatique tableau de Répine à découvrir. Rappelant les fastes mythologiques et symbolistes d'un Gustave Moreau il est orienté vers le fantastique. La toile nous montre un monde sous-marin peuplé de créatures étranges. On y entrevoit des étoiles de mer, des poissons fantaisie, des coraux et des algues. Quant au parcours de l'artiste il se révèle atypique. Issu d’un milieu modeste de colons-militaires russes, sa formation artistique débute dans l’atelier d’un topographe, se poursuit dans celui d’un peintre d’icônes avant de s’achever, en 1863, à l’Académie impériale des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg.
Ilya Répine, Sadko dans le royaume sous-marin (1876)
Huile sur toile, 3,22 x 2,30m
Musée d’Etat russe, Saint-Pétersbourg
Quant à ses sources d'inspiration ils sont très nombreux. : paysages, architecture, costumes, scènes rurales... Il travaille tous les genres même si c'est le portrait qui a sa préférence. Certains sont même saisissants, comme celui qu'il fait du musicien Modeste Moussorgski. Il peint son ami en quatre jours, directement dans sa chambre du malade, peu avant sa mort. Mais sans doute un trait commun relie tous ces modes de représentation : l'éternelle âme russe, incarnée autant par ses personnages que ses paysages.
Cette centaine de tableaux, prêtés notamment par la Galerie nationale Trétiakov de Moscou, le Musée d’État russe de Saint-Pétersbourg et le musée d’art de l’Ateneum d’Helsinki, nous fait véritablement découvrir un peintre de premier plan, à la fois habité par un souci de manifester - à travers ses tableaux - de la profondeur psychologique de ses personnages mais aussi sans doute un artiste qui est stimulé par un désir maniaque de refléter dans ses moindres détails la société russe. Au final cette expo nous révèle un artiste iconoclaste au travail très élaboré, qui comme Tolstoï,* reviendra toute sa vie vers ses origines, mettant la Russie au cœur de l'art.
* Ilya Répine, Lettres à Tolstoï et à sa famille, traduction de Laure Troubetzkoy, éditions Vendémiaire, collection Arts, 216 pages, 2021
Expo Ilya Répine (1844-1930) - Peindre l’âme russe
Petit Palais
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston-Churchill
Paris 8e
horaires : du mardi au dimanche de 10 h à 18 h, nocturne le vendredi jusqu'à 21 h
jusqu'au 23 janvier 2022
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