Avec Eugénie Grandet, l'écrivain et réalisateur Marc Dugain propose une ambitieuse adaptation cinématographique du roman de Balzac. Avec finesse et psychologie, restituant l'histoire dans le décor naturel des environs de Saumur, le cinéaste questionne à la fois - à travers ce drame réaliste et provincial du XIXe siècle - la condition féminine et le poids de l'argent et des sentiments dans l'émancipation des femmes.
Marc Dugain a fait un intéressant travail d'adaptation du livre du célèbre romancier, le dépoussiérant un peu pour en restituer toute la modernité à un public d'aujourd'hui. Il a mis en avant l'aspect féministe de Eugénie Grandet, que l'on trouve aussi dans La Femme de trente ans (1842) et dans d'autres de ses romans plus connus du public. Tout le film repose en milieu bourgeois sur le conflit latent entre un père (Félix Grandet) et sa fille (Eugénie Grandet).
Tyran domestique et des affaires, le richissime Félix Grandet entend tout diriger. Dans le rôle de cet Harpagon subtilement harceleur Olivier Gourmet se révèle excellent, n'en faisant jamais trop et trouvant un jeu du juste équilibre dans ce personnage à l'entêtement constant et au désir trouble de possession illimitée. La lumineuse Joséphine Japy interprète avec beaucoup de naturel cette jeune femme prise en étau entre une mère fataliste et ce père caractériel tout puissant.
Par la suggestion de l'image et les gros plans de visage sur elle le cinéaste nous laisse suggérer sa prise de conscience sociale - quoique tardive - de l'injustice de sa condition et de la violence psychologique qui lui est faite de la part du monde des hommes. Comme dans L'Echange des princesses (2018), un de ses meilleurs films, le réalisateur a soigné particulièrement l'image, l'inscrivant dans une tradition picturale.
La beauté des paysages campagnards du Maine-et-Loire et l'atmosphère feutrée et mystérieuse qui se dégage d'intérieurs à la Vermeer contribuent à donner au film une puissance à la fois suggestive et esthétique. Une beauté qui cependant ne laisse jamais longtemps dissimuler la violence que sous-tend la toute-puissance de l'argent dans le film, thème largement adopté par les écrivains, du Paysan parvenu (1734) de Marivaux à L'Argent (1898) de Zola.
Dans le film la dissimulation du montant de sa fortune par
Félix Grandet se profile comme le grand fait originel qui détraque toutes les relations humaines. Au-delà même de ce personnage mesquin et vaniteux l'on sent bien que
Balzac à travers lui réglait ses comptes avec la société de son époque.
Zola et
Maupassant retiendront la leçon et iront encore plus loin que lui dans la dénonciation de l'hypocrisie de leur temps. Drame réaliste en costumes d'époque
Eugénie Grandet n'est pas seulement un intéressant film psychologique. Il véhicule aussi un fort message social !
durée : 1 h 45
Eugénie Grandet, un film de Marc Dugain, d'après le roman éponyme d'Honoré de Balzac, France, 2021
Avec Joséphine Japy, Olivier Gourmet, Valérie Bonneton, César Domboy, François Marthouret
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