lundi 17 août 2020

Le quart d'heure de célébrité



Dans Le quart d’heure de célébrité Frédéric Pommier décortique - sur le ton décalé et humoristique - un phénomène social et médiatique irréversible  : l'influence de personnes anonymes soudainement propulsées dans l’actualité.


Depuis 2017 le journaliste et écrivain  Frédéric Pommier réalise une chronique hebdomadaire sur France Inter intitulée « Le quart d’heure de célébrité »,  amusant clin d’œil à la clinquante et prophétique  sentence d’Andy Warhol, que n’aurait pas reniée son contemporain Mac Luhan, qui professait déjà  dans les années 60 que « le média est le message ». Dans son livre de près de 300 pages  Pommier nous rappelle - entre autres - l’omniprésence des réseaux sociaux dans  la transmission de l’information et la construction de la communication médiatique. Adoptant une forme concise et pédagogique, par ailleurs ni pompeuse ni sociologisante, l’homme de radio   dresse un constat topographique  assez représentatif  de tous les débats qui ont secoué l’opinion publique ces dernières années.   Le quart d’heure de célébrité  recense  tous ces « héros  » ou victimes d’un jour, tous ces fameux « anonymes » propulsés du jour au lendemain sous les feux de l’actualité. Cas un peu à part pour sa longévité médiatique, la Suédoise Greta Thunberg,   a droit à 9 pages. Par sa jeunesse et son parcours atypique la « Jeanne d’Arc du climat » est  devenue au fil des années une figure incontournable voire shamanique dans les débats liés à l’écologie. L'auteur nous rappelle aussi  la fulgurante ascension médiatique   de la lycéenne Emma Gonzalez.  En quelques semaines elle est devenue la plus célèbre adversaire du puissant lobby américain pro-armes et au-delà de l’administration Trump. Pommier note justement page 52 : « L’assurance de la lycéenne impressionne, son émotion chamboule, et ses phrases chocs vont faire le tour de la planète. Elle se crée un compte sur Twitter. Rapidement, il dépasse le million et demi  d’abonnés. Deux fois plus que celui de la NRA.  [...]»  Dans cette longue  galerie « d'anonymes »  l’auteur n’a pas oublié les figures les plus clivantes comme celle du  boxeur antiflics Christophe Dettinger. Personnage médiatique aussi adulé que détesté, il reste fortement lié à l’actualité  des Gilets jaunes de 2019.  La même année, mais dans  un  registre médiatique  compassionnel une autre anonyme  défraie la chronique : Christine Renon, directrice d’école. Elle écrivit des lettres à ses collègues professeurs juste avant son suicide. Ce dernier, très médiatisé, aura pour effet de relancer le débat  sur les carences de l’Education nationale. Giflée en pleine rue une autre anonyme, Marie Laguerre, remettra d’actualité le débat sur le phénomène du « harcèlement de rue ». Au final l'intéressant et synthétique  livre de Pommier nous rappelle le courage et  la leçon civique  que peuvent apporter  les anonymes dans le débat public  mais aussi les risques aigus de manipulation (et de récupération) politique qu’ils font courir à la démocratie. La médiatisation très rapide d’anonymes  - et parfois leur sacralisation - semble répondre à la demande populaire de plus en plus forte de proximité et d’authenticité dans un contexte très particulier où les élites politiques, économiques et médiatiques sont  largement décrédibilisés depuis des décennies.

Frédéric Pommier, Le quart d'heure de célébrité, éditions des Equateurs, 304 pages, 2020

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