Evoluant entre témoignage ethnographique et documentaire intimiste, Jerichó de Catalina Mesa évoque les parcours de vie de femmes d’un village colombien.
Niché dans la partie occidentale de la cordillère des Andes, le village de Jerichó est au coeur du film. Pour son premier long métrage, Catalina Mesa est revenue sur les traces du village de ses ancêtres, proposant des portraits intimistes de huit femmes âgées, toutes différentes. L’originalité de Jerichó tient autant à un habile montage documentaire qu’à la qualité de confidences spontanées. A travers les souvenirs intimes de ces femmes, le film esquisse toute une histoire de la Colombie (violence, enlèvements, refuge dans la religion) mais aussi nous suggère l'incroyable force de ces femmes au-delà d'un certain fatalisme local.
Jerichó
Dans Jerichó elles expriment une grande tendresse pour la vie et leur capacité à surmonter toutes les épreuves par une bonne humeur et un détachement qu’en Occident il est peut-être difficile de cerner. Mesa est née, a grandi en Colombie et a poursuivi ses études à l’étranger. A travers ces portraits pudiques et intimes de ces femmes issues de ce chatoyant village de 8 000 habitants elle explore à la fois le poids de l’histoire et celui de l’éducation des filles dans la Colombie du XXe siècle mais aussi la spécificité féminine de ces témoignages, par ailleurs souvent émouvants et imprégnés de drôlerie, voire de fantaisie. On est frappés notamment par la capacité qu'ont ces femmes d'adopter malgré tous leurs malheurs (souvent la mort, voire le meurtre d'un mari ou d'un enfant) une pensée résolument positive.
Jerichó
En cela Jerichó reflète la permanence et la transmissibilité de certaines valeurs, de comportements, d'une certaine façon de sentir propre au mode de vie colombien et d'habitudes de vie bien ancrées. En ethnologue sensible Mesa filme le moindre recoin d’intimité de leurs maisons (tiroir, lit, table de nuit, objet religieux, photo), ce qui donne à l'ensemble une touche d'authenticité. Egalement, elle filme de façon picturale « ses femmes » dans les décors naturels de Jerichó (place, église, boutique). Par la couleur ou la précision géométrique les maisons du village pourront faire songer à des surfaces de Mondrian, de Rothko ou de Kupka. Tourbillon (2011), un film brésilien de Clarissa Campolina l’a particulièrement inspirée.
Jerichó
L'interférence constante entre les innombrables sous-entendus sociaux des dialogues et l'esthétique léchée de l'image donne une saveur rare à Jerichó. La musique joue aussi un rôle important, notamment à travers celle de Teresita Gomez, musicienne classique afro-colombienne. (Cette dernière est célèbre pour avoir popularisé des compositeurs colombiens de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle.) Propulsée par la force - parfois - désinvolte des témoignages et par la beauté plastique des lieux filmés Jerichó dégage un fort climat. A travers la parole libérée de toutes ces femmes Jerichó se profile une ode vibrante à la Colombie actuelle, en partie libérée de ses démons.
durée : 1 h 18
Jerichó, un film de Catalina Mesa, France / Colombie VO Espagnol sous-titré Français, 2017
Jerichó
A voir absolument !
RépondreSupprimerImpossible de trouver où ce film passe en Belgique, je rêve de le voir !
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