Les films de cette réalisatrice belge sont marqués généralement par une sourde mélancolie. Een ander zijn geluk (Someone Else’s Happiness, 2005) décrivait déjà la confrontation douloureuse d’une communauté devant faire face à la mort d’un enfant. Kid, son avant-dernier long métrage, évoquait une enfance meurtrie en milieu agricole. Pour la noirceur de la vision globale, Home n’est pas sans rappeler parfois Kids (1995) de Larry Clark. Mais il est moins démonstratif et s’attache surtout à suggérer au spectateur - par une image imprégnée de psychologie (les gros plans sur les visages) - la chape de plomb qui accable de solitude les jeunes personnages.
Pour ce film Troch s’est entourée d’acteurs non professionnels repérés dans des castings, et a retenu quatre adolescents qui jouent les rôles principaux. La scène d’ouverture de Home dans laquelle Lina - la seule fille du groupe - se fait réprimander par son proviseur rend assez bien le climat et la forme cinématographique de l’ensemble. Home est un film dur, imprégné de fausse désinvolture, de souffrance et de violence latente. C’est l’histoire d’un ado de 17 ans (Kevin), sorti fraîchement de prison. Installé chez sa tante (Sonia), ses parents n’en voulant pas, il se lie d’amitié avec son cousin (Sammy) et ses amis. Dans une ambiance lourde, Troch nous laisse découvrir cet ado peu loquace mais d’apparence gentille, empêtré dans sa nouvelle vie mais pas encore tout à fait sorti des démons de son proche passé.
Outre son réalisme glacé, Home a un aspect librement documentaire. Troch est allée jusqu’à intégrer dans son film les propres vidéos réalisées au moyen de leurs Smartphones par ses interprètes. Cependant, elle évite subtilement toute démagogie jeuniste et quoique l’on sente chez elle une tendresse certaine pour ses personnages, elle ne nous les montre pas forcément sous leur meilleur jour, comme dans la scène du bus où ils se moquent d’une femme obèse. Elle met aussi en exergue la stratégie de chaque personnage afin de protéger le groupe, menacé à chaque instant par des révélations compromettantes à la suite du meurtre de la mère de John, auteure d’un long inceste. Home est un film psychologique dans le bon sens du terme. Certaines images peuvent heurter le spectateur, et le long métrage pèche parfois par une image moyenne.
Néanmoins, le film parvient à une certaine intensité que l’on a du mal à trouver - par exemple - dans le cinéma d’un Larry Clark, souvent racoleur, complaisant et sans grande originalité. En outre, sur un mode sans doute davantage suggestif que didactique, Home nous laisse deviner les profonds décalages entre univers ado et adulte. Sous les dehors vagues d’approbation polie de Kevin, la réalisatrice nous communique le désintérêt et l’hostilité de son personnage pour la perspective professionnelle que lui fait miroiter son oncle à sa sortie de prison. Quant aux personnages féminins des mères de John et Sammy, ils sont chargés dans Home d’une lourde connotation négative. Souvent dérangeant car propulsé par un réalisme noir et implacable, Home est un film qui scrute sans concessions aussi bien les perversions que les solitudes humaines !
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