lundi 23 mai 2016

John From





Flottant autour de la singulière attraction d’une jeune fille pour un quadragénaire célibataire, John From est une fable malicieuse. Le réalisateur portugais Joao Nicolau [L’Epée et la rose (2011)] signe là un attachant petit film d’auteur subtilement délirant, qui réinvente  les codes du teen movie à travers une esthétique pop et les couleurs nonchalantes du mode de vie ibérique.


Surfant entre fiction, documentaire et réalisme fantastique, John From se profile un film original par sa construction et son énigmatique climat au parfum estival de bonbon acidulé. A travers les déambulations de Rita et sa copine Sara dans leur quartier de la périphérie de Lisbonne, le metteur en scène nous entraîne progressivement dans un univers onirique urbain aux tonalités surréalistes, dans lequel la surprise peut surgir aussi bien - par parachute - du ciel que sur terre par la présence d’une autruche maquillée, au pied d’un immeuble.

John From

A la fois moderne, pétillant et sobre, le style du réalisateur se révèle à travers ce long métrage dans toute son expressivité loufoque. Et le traitement cinématographique de la passion adolescente version post2000 par Nicolau ne manque pas de piquant dans un savant dosage entre poésie urbaine, scénario ingénument fantasmatique, mise en scène humoristique de personnages et choix d’une image sophistiquée orientée vers la culture pop, l'écran géant de Google et  la nostalgie des voyages lointains. Dans John From, le désir vient se nicher au sein de classes moyennes somnolant dans des immeubles résidentiels, dans la torpeur de l’été portugais. Apparemment, Rita est une ado sans histoire : parents cool, amie rigolote, appartement cocooning, loisirs calibrés - leçon de musique (piano), boum chez la voisine, séances de bronzage…

John From

Rien ne semble bouleverser son cadre de vie plutôt ordonné jusqu’à l’arrivée d’un nouveau voisin (Philippe) entraperçu sur une terrasse, qui expose ses clichés sur la Mélanésie au centre communautaire de la résidence. Par l'humour et un certain mystère,  John From nous laisse entrevoir  le bouleversement produit involontairement par ce quadragénaire sur Rita, le prolongement fantasmatique du sentiment amoureux de Rita pour Philippe ainsi que ses stratégies de séduction dans un désopilant road movie sentimental. Truffé d’une série d’amusantes courtes scénettes, John From nous entraîne de l’univers bariolé et touristique du Pacifique Sud version Gauguin jusqu’à une assemblée générale de copropriétaires, noyée dans le brouillard… 

John From

A travers son masque tribal peint, Julia Palha se glisse naturellement dans ce personnage d’adolescente à l'imagination exacerbée, tout en évitant la mièvrerie caractéristique des Lolitas de son âge sur grand écran. Imprégné d’une rare fraîcheur, le film de Nicolau se révèle surprenant par son traitement de la passion adolescente sur un mode poético-cocasse. En outre, John From vient confirmer  la vitalité du jeune cinéma portugais contemporain. (Signalons au passage la programmation toute récente de Montanha, un  intéressant film du réalisateur portugais Joao Salaviza sur le thème de la jeunesse, mais formulé sous un angle différent de John From.)


durée : 1 h 35

John From, un film de Joao Nicolau, France/Portugal, 2015
Avec Julia Palha (Rita), Clara Riedenstein (Sara), Filipe Vargas (Philippe)


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