lundi 4 mars 2024

Comme un fils


Cinq ans après Trois jours et une vie le réalisateur Nicolas Boukhrief nous revient avec Comme un fils, un film à la fois délicat et brutal avec comme toile de fond l'univers de jeunes Roms et la solitude de l'enseignant. 

Jacques Romand est un professeur qui a perdu sa vocation. Témoin d’une agression dans une épicerie de quartier, il permet l’arrestation de l’un des voleurs : Victor, 14 ans. Mais en découvrant le sort de ce gamin déscolarisé que l’on force à voler pour survivre, Jacques va tout mettre en œuvre pour venir en aide à ce jeune parti sur de si mauvais rails. Le cinéaste a trouvé Stefan Virgil Stoica, le jeune acteur qui joue Victor  en Roumanie lors d'un casting d'élèves d'école d'art dramatique. Et sans doute le côté réaliste du long métrage est accentué par le fait que le comédien, comme dans son personnage, parle très bien l'anglais mais pas le français. 

Comme un fils

D'autre part des familles de « vrais roms » jouent dans   Comme un fils et de façon troublante viennent nous rappeler par leur présence l'actualité brûlante des camps de migrants à Paris ainsi que celle de bidonvilles de plus en plus nombreux en périphérie des villes. Egalement, ce film  nous plonge à travers le personnage  de Harmel Kirshner (la responsable d'association) joué par Karole Rocher  dans le quotidien de petites structures d'entraide bénévole aux jeunes migrants, empêtrées entre  tracasseries administratives et manque de moyens.  En outre, l'aspect documentaire du film reflète assez bien les conditions de vie extrême de ces populations  pour la plupart Roms d’origine roumaine  qui vivent dans des bidonvilles de la région parisienne. Dans le film Nicolas Boukhrief suggère subtilement le désarroi de ce prof qui vient se fracasser à la réalité de son jeune protégé  dont le parcours  est à la fois entaché de violence et  le fruit de  conditions de vie peu enviables -   état de santé précaire, environnement insalubre dépourvu d’installations sanitaires,  insécurité  provoquée par les vols… 


Comme un fils

Malgré cet environnement peu attractif  Comme un fils échappe aux codes du film misérabiliste même si Boukhrief nous suggère sans tabou la   violence de l'entourage  de l'ado, notamment à travers la description du personnage de l'oncle mafieux - version contemporaine du Thénardier à la sauce Rom. Par ailleurs  le jeune est doublement ostracisé dans le récit cinématographique du fait qu'il est métis, à moitié Rom et à moitié Roumain. Dans cette histoire de rencontre inopinée entre enfant sauvage et prof solitaire, Vincent Lindon interprète avec réalisme  et sensibilité ce personnage à la Simenon (Jacques Romand),  un prof retiré de l'Education Nationale. Dans une intéressante progression narrative  l'on voit cet homme - que l'on devine esseulé et partagé par des sentiments contradictoires - participer à une action concrète d'intégration en apprenant à Victor à  lire et à écrire. Mais  l'on n'est pas non plus dans un remake du Sauvageon et du Philanthrope comme dans l'excellent film à valeur pédagogique L'Enfant sauvage (1970) de François Truffaut.

Comme un fils

Selon les estimations, plus de 5 000 enfants Roms vivant en France arriveraient à 16 ans sans jamais, ou presque, avoir été à l’école. Et outre l'intégration l'Education semble au coeur même de ce film intimiste et social. Boukhrief évoque ce thème à travers les nombreuse démarches faites par Jacques Romand pour que l'on accueille le jeune.  Il propose aussi en filigrane  une réflexion perçante sur le rôle de l'éducateur  mais aussi sur le manque d'attractivité de la profession. L'on peut aussi voir ce film comme la rencontre incertaine de deux solitudes, de deux êtres qui, toute différence gardée, n'accrochent pas véritablement au monde qui les entoure. Il en résulte un film incisif et flottant, à la fois tendre et cruel, qui nous tend -  sur le mode réaliste -  un drôle de miroir du monde contemporain ! 

durée : 1 h 45

Comme un fils, drame, un film de Nicolas Boukhrief, France 2024

Avec Vincent Lindon, Karole Rocher, Stefan Virgil Stoica, Sorin Mihai






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