Dans une biographie originale intitulée L’Enigme Stefan Zweig, l’homme de théâtre Francis Huster scrute le destin du célèbre écrivain autrichien, qui en 1942 choisit de se donner la mort au Brésil.
Réputé aussi bien pour ses nouvelles délicatement ciselées que pour ses pénétrantes biographies historiques, le très cosmopolite Stefan Zweig fut de son temps l’auteur de langue allemande le plus lu et traduit ainsi que le plus réputé. Prenant le parti d’une bio résolument anticonformiste, Francis Huster, qui admire l'oeuvre, choisit de reconsidérer l’homme dans un intéressant portrait en clair-obscur.
Stefan Zweig (debout) et son frère Alfred, vers 1900
En préambule, il nous avertit : « Il ne s’agit pas d’attaquer Zweig, mais de s’attaquer à lui comme à l’ascension d’une montagne prodigieuse dont le sommet le place à égalité avec les plus grands écrivains du XXe siècle. » Cette réinterprétation sensible et érudite de l’homme autour de son oeuvre est d’autant plus consistante qu’elle évite les pièges dans lequel se fourvoient bon nombre de « biographes » sans nuances - de l’auteur verbeux et adulateur à celui qui règle partialement ses comptes.
la maison de Stefan Zweig à Petropolis (Brésil)
Il en résulte un livre passionnant par ses analyses fines et son sens psychologique. En effet, Huster tente de cerner Zweig dans sa globalité, un peu comme s'il voulait faire revivre - inconsciemment (?) - les millions d’heures de la vie d’un homme de lettres, explorant sans relâche les masques du Janus : le Zweig de Vienne, le Zweig séducteur effréné, le Zweig pacifiste un peu lâche, le Zweig en conflit avec sa judéité, le Zweig des discours flamboyants, le Zweig de la mort indigne, le Zweig des grandes biographies, le Zweig intime...
Stefan Zweig et sa femme Lotte Altmann
De tout ce jeu de pistes en résulte un portrait percutant et troublant de l’écrivain. Au-delà de sa gloire, de son génie littéraire et de ses lâchetés intellectuelles, Zweig s’y profile comme un homme profondément tourmenté, « un homme à l’âme divisée », pour reprendre l’expression d’Eric-Emmanuel Schmitt.
Francis Huster, L’Enigme Stefan Zweig, préface d’Eric-Emmanuel Schmitt, Le Passeur Editeur, 224 pages, 2015
Stefan Zweig
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire