lundi 11 avril 2016

Expo Jean Puy (1876-1960) - Plénitude d’un fauve




Actuellement au musée du château des ducs de Wurtemberg de Montbéliard, l’on peut découvrir l’œuvre du méconnu Jean Puy (1876-1960), brillant peintre intimiste qui fut ami de Matisse et figura au cœur des révolutions artistiques du XXe siècle.


Après la belle expo Albert André (1869-1954), intimité d’un peintre réaliste, le musée franc-comtois - puisant en partie dans ses collections - a eu la bonne idée de rendre hommage à Jean Puy, présentant plus d’une centaine d’œuvres et de documents de cet artiste rare, originaire de Roanne.

Jean Puy, Petite faunesse dormant, v.1906
huile sur toile 74,5 x 94,5 cm Collection Paul Dini, Lyon
© Tous droits réservés / ADAGP-Paris, 2016

Intitulée Jean Puy - Plénitude d’un fauve, cette rétrospective se révèle d’autant plus intéressante qu’elle donne par Puy un nouvel éclairage de cette « cage de fauves » si diversifiée, dont la modernité fait toujours l’objet d'une actualité culturelle [l’incontournable expo Albert Marquet - Peintre du temps suspendu au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris (jusqu’au 21 août 2016) et Derain Le titan foudroyé, passionnante biographie sur le fauve André Derain par Michel Charzat (chez Hazan, 2015) - Marquet et Derain furent d’ailleurs des amis de Puy].

Jean Puy, Nature morte, bouquet d'oranges dans un pichet, 1913 
huile sur bois 46 x 38 cm 
Musée d’art moderne André Malraux, Le Havre 
© Collection Olivier Senn. Donation Hélène Senn-Foulds, 2004,
 Musée d'art moderne André Malraux, Le Havre / ADAGP-Paris, 2016 

Comme beaucoup de peintres de sa génération, Puy fut influencé par divers courants du post-impressionnisme. Comme fauviste, il se révèle beaucoup moins exubérant et sans doute plus méditatif qu’un Vlaminck, un Derain ou un Van Dongen. Ses toiles intriguent surtout par leur calme étrange. Agréable et clair, le parcours thématique de l’expo montbéliarde nous propose quelques repères pour
approcher l’univers de cet homme qui également réalisa gravures et céramiques - notamment, l’on signalera le superbe panneau de 12 carreaux en faïence stannifère, intitulé « Orphée charme les monstres ».

Jean Puy, La Pétronille, 1902
huile sur carton 68 x 52 cm Collection Pierre Troigros
© Tous droits réservés / ADAGP-Paris, 2016


Les tableaux de Puy nous entraînent dans le théâtre discret de la vie quotidienne au début du XXe siècle. Ouverte généreusement au clair-obscur, à la plénitude des formes et aux tons lumineux, cette peinture charme par une sorte de réalisme méditatif. Cet artiste figuratif est un amoureux de la mer - enfant, il voulait être marin - et des silhouettes féminines. Comme son ami Albert André, c’est un peintre de l’intimité, orienté vers les intérieurs confinés, les nudités simples, les paysages légèrement brumeux ou les pots de fleurs cézaniens.

Jean Puy, Joies du Plein air ou L’étude en plein air, 1912
huile sur toile 130 x 184 cm Collection particulière
© Tous droits réservés / ADAGP-Paris, 2016

Paysage, nature morte, marine, portrait, nu… Au fil de la visite, l’on est interpellés par cette vision artistique forte, qui semble puiser tout autant dans l’élégance stylisée du réel que dans l’émotion distillée par l’habile agencement des couleurs. Entre baigneuses, bouquet d’oranges, port breton et salon de lecture, cette peinture flâneuse et proustienne en diable dégage un vague parfum de mystérieuse tranquillité, que chacun selon son sentiment pourra trouver inquiétant ou charmant. Face à cette peinture indéterminée à la beauté formelle qui donne au silence une résonance plus qu’éloquente, l’on peut songer à des artistes  diversifiés.

Jean Puy, L’étagère rose, v.1925
huile sur carton 55,2 x 46 cm
Musée du château des ducs de Wurtemberg, Montbéliard
© Pierre Guenat / ADAGP-Paris, 2016

Ainsi, Vermeer, Hopper, Delvaux, Vallotton, Georges de La Tour, Gauguin, Chassériau, Vuillard, De Chirico ou de La Patellière. « Faire entrer la vie dans les tableaux » fut le leitmotiv de cet artiste à la création à la fois douce et tourmentée. A propos du sentiment de plénitude intemporel que dégage l’œuvre de Puy, l’intuitif Guillaume Apollinaire avait tout résumé en une formule décisive : 
« Il y a chez Jean Puy un abandon, une nonchalance harmonieuse, une lassitude qui n’est point lassante. » (*)


(*) La Revue des lettres et des arts, 17 mai 1908. In Chroniques d’art, 1902-1918, Paris, éditions Gallimard, 1960

Expo Jean Puy (1876-1960) - Plénitude d’un fauve
Musée du château des ducs de Wurtemberg
25200 Montbéliard
horaires : de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h, fermé le mardi

jusqu’au 18 septembre 2016

Jean Puy, Autoportrait à la barbe, 1901
huile sur carton marouflé sur toile 46 x 39,5 cm Collection Jean-Jacques Bauswein
© Tous droits réservés / ADAGP-Paris, 2016







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