By the time I got to New York
I was living like a king
« Lazarus »
25e opus de David Bowie, Blackstar clôt en beauté le répertoire discographique du géant de la rock music. Paru début janvier, juste deux jours avant sa disparition, Blackstar se révèle un disque surprenant et avant-gardiste à l’image du savoir-faire de l’artiste caméléon.
Comprenant 7 titres et enregistré avec le fidèle producteur Tony Visconti, ce Blackstar succède donc à The Next Day (2013), CD peut-être intéressant mais avec le recul un peu policé. Légitimement, certains critiques considèrent déjà que Blackstar est le meilleur disque de Bowie depuis la trilogie berlinoise (1977-79). Par ses sonorités variées (pop, jazz, électro, new wave, hip-hop), par ses changements futés de rythme et par la place centrale occupée par le saxophone, ce Blackstar emprunte à la fois aux accents dansants de Black Tie White Noise (1993), aux sonorités modernistes d’Outside (1995) ainsi qu’aux tonalités les plus arty de sa production des seventies. Comme le titre de l’opus le suggère, le disque baigne dans une lumière sombre avec des titres au lyrisme tourmenté (« Lazarus », « Blackstar ») marqués par la noirceur, le dandysme et l'élan spirituel.
D’autres morceaux au tempo plus rapide proposent des sonorités dansantes (« Tis A Pity She Was A Whore », « Girl Loves »). Boosté par une efficace dominante free-jazz et électro-pop, l’ensemble de Blackstar évite heureusement certaines longueurs expérimentales des époques précédentes. Avec des accents théâtraux de soufflerie de crooner, la voix de Bowie s'y profile efficace, aérienne dans le grave comme dans l’aigu. « Blackstar » ouvre l’opus avec son groove électro-jazzy, offrant un climat futuriste et crépusculaire. Mêlant de belles parties classisantes et des espaces space et jazzy à la Gong, le titre est une vraie réussite. Avec son saxo omniprésent, « Tis A Pity She Was a Whore » propose une ambiance pop dance et cold new wave orientée vers Lodger/ Black Tie White Noise. Composé à l’origine pour une comédie musicale et sorti en vidéo, « Lazarus » rappelle « Bluebird », un poème de Charles Bukowski. Morceau inspiré, chanté d’un ton poignant et détaché, l’on peut y entendre un mystérieux crescendo saxo/guitare/synthés/percussions.
Blackstar, David Bowie, Iso Records, USA, 2016
« Sue (Or In A Season Of Crime ») se caractérise par une puissante rythmique et des sonorités grondeuses à la King Crimson. Pour cette chanson, le chanteur emprunte d’ailleurs un dialecte bizarroïde, le polari [argot britannique du XIXe siècle]. Morceau haché et mélodique, « Girl Loves » propose un climat hip-hop/tribal. Quant à « Dollar Days », propulsé par un élégant crescendo piano/saxo/batterie, il évoque un peu un titre de 1976 sur Station to Station [« Wild Is the wind »]. Enfin, le sautillant « I can’t Give Everything Away » termine l’album entre classic rock et jazz sophistiqué. C’est donc sous des touches dansantes et modernistes, des sonorités jazzy et électro et de nostalgiques réminiscences de saxo que Bowie aura accouché d’une œuvre que l’on peut considérer comme un disque testament. Exprimant sous une forme inédite l’expression artistique (texte/musique) sous sa forme la plus ambitieuse, expérimentant l’avant-gardisme durant près d’un demi-siècle sur le mode visionnaire de l’art multiple, il aura réussi l’exploit dans le domaine musical de réconcilier deux abstractions aussi éloignées (et hostiles) l’une de l’autre : le romantisme et la modernité.
Blackstar, David Bowie, Iso Records, USA, 2016
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