lundi 21 décembre 2015

Rétrospective Anselm Kiefer


« Pour Madame de Staël : de l’Allemagne », 2015, 
Installation in situ sous les tuyaux du Centre Pompidou-Paris 
Vue de l’œuvre dans la rétrospective Anselm Kiefer 

Anselm Kiefer devant deux de ses œuvres de la série The Secret Life of Plants for Robert Fludd au musée Frieder Burda de Baden-Baden, en 2011

Réunissant quelque 150 œuvres, la rétrospective du Centre Pompidou consacrée à Anselm Kiefer offre l’opportunité de découvrir une œuvre étrangement belle, à la fois complexe, charismatique et visionnaire.

Langueurs expressionnistes, romantisme lugubre, fascination pour les ruines, germination mortifère… D’emblée, l’univers d’Anselm Kiefer se profile dans une certaine douleur. Et cette première rétrospective en France - depuis 30 ans - de l’artiste allemand donne le ton [puissant] d’une œuvre fortement marquée par la thématique de la guerre. « Je sui né en 1945 dans une cave pendant la guerre. Notre maison a été bombardée à ma naissance. Je n’avais pas de jouets, sauf les briques de notre maison en ruine », confiait Kiefer dans une récente interview (1). Pour Kiefer, qui s’est fait connaître dès 1969 avec une série d’œuvres proposant une réflexion sur le passé et la mémoire, ce mot « ruine » possède une résonnance particulière.

Anselm Kiefer - Der Morgenthau Plan [Le Plan Morgenthau
2014, acrylique, émulsion, huile, shellac sur photographie montée sur toile, 
280 x 570 cm 

Ses installations et peintures dérangent, car elles interrogent - d’une façon subtilement détournée - toute l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, que ce soit à travers les anciens symboles nazis, la Shoah ou les mythes de la Germanie. Les créations de Kiefer s’expriment généralement autour d’une certaine monumentalité. Une poésie puissamment mélancolique ainsi que des obsessions architecturales s’y greffent. Egalement, de nombreuses allusions à la littérature, la mythologie, l’histoire ou la philosophie parsèment ses toiles. (Il n’est d’ailleurs pas toujours facile de déchiffrer cette œuvre trop (?) richement peuplée en symboles !) Dans sa poétique des ruines, l’artiste allemand utilise des matériaux plutôt inhabituels : glaise, cendre, plomb, sable, argile, végétaux, cheveux, bois, paille, verre, tissu… Et sans doute cette sensualité froide de la matière [l’incroyable barque de plomb accrochée à l’un de ses tableaux !], peut-être même davantage que la variété des motifs, retient l'attention.

Anselm Kiefer - Mann im Wald [Homme dans la forêt
1971, acrylique sur toile de coton, 174 x 189 cm 

Pour cette expo, Kiefer a conçu spécialement des vitrines où il entrecroise librement objets et matières. Ces éloquentes installations distillent le même climat angoissant que les tableaux des autres salles avec leur cortège de champs de cendre, de livres calcinés, d’inquiétants sous-bois et de vestiges maléfiques mais avec une orientation artistique plus fragmentée et documentaire. Et l’on songe à des images récentes de conflits de guerre (Syrie, Ukraine, Irak) à la vue de ces assemblages bizarroïdes dans lesquels la vie semble s’être fossilisée. (Dans une de ces vitrines l’on peut observer une machine à écrire décapitée dans une mare sableuse.) Le visiteur lambda pourra trouver le tout indigeste, triste et chiant. A l’évidence, cette peinture ne cherche pas la couleur aimable, ni les débats intellectuels ni les jeux de séduction, encore moins la connivence avec le public. Sans doute une bonne part de l’attractivité de la création de Kiefer provient de cette force à la fois brutale et indéterminée que dégage cette matière, de cette curieuse noce du végétal et du minéral, qui laisse percer toutes les émotions d’un monde originel…

(1) Beaux Arts magazine (décembre 2015)

Rétrospective Anselm Kieffer
Centre Pompidou (galerie 1, niveau 6)
Paris 4e
horaires : tous les jours sauf le mardi, de 11 h à 21 h ; nocturnes les jeudis jusqu’à 23 h
jusqu’au 18 avril 2016

Anselm Kiefer [Liliths Töchter
1998, collection particulière © Anselm Kiefer photo 
© atelier Anselm Kiefer 


A signaler :

Expo « Anselm Kiefer - L’alchimie du livre »
Bibliothèque nationale de France François Mitterrand
quai François Mauriac - Paris 13e

jusqu‘au 7 février 2016














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