L’œuvre peinte de Maximilien Luce (1858-1941) s’articule autour de deux thèmes principaux : des paysages, surtout des bords de Seine - il habita longtemps Rolleboise (Yvelines) - et de nombreuses descriptions de la vie ouvrière. A ce grand peintre méconnu le musée de Montmartre (Paris 18e) consacre une intéressante rétrospective.
Maximilien Luce, Paris, vue de Montmartre
Huile sur toile
© Genève, Association des Amis du Petit Palais
Maximilien Luce a été 'influencé par les œuvres de Georges Seurat et de Paul Signac, deux figures majeures du néo-impressionnisme. Dans les années 1890, il s’intègre à ce cercle d’artistes avant-gardistes, partageant avec eux une fascination pour la lumière et la couleur. Puis par la suite il s'oriente vers une facture plus classique, mais qui garde l'harmonie et la luminosité de sa première période.
Maximilien Luce, rue des Abbesses, l'épicerie
Huile sur toile
© Genève, Association des Amis du Petit Palais
En particulier, il est un témoin de premier plan de la transformation post-haussmannienne de Paris et de ses environs immédiats. D'une façon éclatante, ses tableaux nous montrent son intérêt pour les grands travaux comme ceux consacrés à la deuxième partie de la rue Réaumur ou celui ayant pour cadre le vaste chantier de la construction du métro à Issy-les-Moulineaux.
Ses toiles sont peuplées de fardiers, de terrassiers et autres « prolos » comme il les appelle, dévoilant qu'une partie importante de son travail artistique est consacré à ce Paris faubourien. Par le luxe de détails et par la précision mécanique des gestes et du positionnement des corps Les Batteurs de pieux (1903), que l'on peut découvrir dans le parcours de l'expo, n'est pas sans rappeler le mystérieux climat de labeur qui émane de Raboteurs de parquet (1875) de Gustave Caillebotte, autre fin observateur du prolétariat.
Huile sur toile
© Paris, Hélène Bailly
Quant aux sites fluviaux et la campagne d'Ile-de-France, ils constituent un thème majeur de son oeuvre. Chez Luce le paysage champêtre se marie généreusement au monde de l'industrie, alors en plein essor, sans pour autant le représenter sous une forme aussi mélancolique que chez Marcel Gromaire ou Jean Lugnier. Beaucoup de ses paysages champêtres invitent à la quiétude.
Maximilien Luce, Baignade à Rolleboise, 1920
Huile sur toile
© Mantes-la-Jolie, musée de l'Hôtel-Dieu - Maximilien Luce
Et l'on songe parfois au tableau d'Albert Marquet intitulé La partie de pêche à Triel (1931). Ce qui semble avant tout caractériser ces paysages de Luce c'est peut être l'expression d'une joie de vivre ou du moins une certaine nonchalance voluptueuse... comme dans l'emblématique Baignade à Rolleboise (1920) où la variété des tons semble jongler avec la méticulosité des corps.
Huile sur toile
© Mantes-la-Jolie, musée de l’Hôtel-Dieu-Maximilien Luce
Le parcours de l'expo nous fait découvrir également ses toiles de Saint-Tropez sans oublier sa production exceptionnelle de céramiques. L'on y retrouve aussi des oeuvres réalisées en Angleterre et aux Pays-Bas dans lesquelles perce encore la fascination du peintre pour l'univers maritime, cher aux maîtres hollandais. On passera de l'eau au feu dans la section consacrée aux usines qui entourent la ville de Charleroi en Belgique.
Maximilien Luce, Fonderie à Charleroi, la coulée, 1896
Huile sur toile
© Mantes-la-Jolie, musée de l’Hôtel-Dieu-Maximilien Luce
Dans le décor brûlant du Pays-Noir, l'on devine ici un Luce écorché aux accents fauvistes, inspiré par de flamboyants hauts fourneaux et de fantasmagoriques fumées. Des peintures qui font penser autant à Marcel Gromaire qu'à Anselm Kiefer (!).
Fascination pour la violence de cette série de peintures qu'exprimait ainsi son contemporain, le grand poète flamand Emile Verhaeren :
« Vous vous êtes complu – il y a quelques années déjà – à traduire le tumulte des pays de flamme et de charbon : les usines compactes, les hauts fourneaux aux briques calcinées, les cheminées géantes, les terrils géométriques. Vous montriez ainsi, non seulement votre application à revêtir de la parure des couleurs et des lignes, des fragments de monde que la beauté semblait bannir de son domaine, mais vous prouviez surtout quel talent aéré, puissant, farouche était le vôtre »
Emile Verhaeren
Emile Verhaeren
Expo Maximilien Luce - L'instinct du paysage
Musée de Montmartre
12, rue Cortot
Paris 18e
horaires : tous les jours de 10 h à 19 h de mi-mars à septembre
jusqu'au 14 septembre 2025
Maximilien Luce, Autoportrait, vers 1910
Huile sur toile
Saint-Germain-en-Laye, musée départemental Maurice Denis, en dépôt au
musée de l’Hôtel-Dieu-Maximilien Luce, Mantes-La -Jolie
© photo Jean-Louis Losi
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