lundi 6 octobre 2025

Le roi se meurt


Au Théâtre de l'Epée de Bois (Paris 12e) l'on peut découvrir Le roi se meurt, d'Eugène Ionesco (1909-1994) dans une mise en scène inventive de Jean Lambert-Wild. Au lever de rideau, le roi Bérenger Ier apprend qu’il va mourir dans une heure et demie. Tout commence alors à s’effondrer avec lui. Dans Le Roi se meurt, le célèbre dramaturge d'origine roumaine porte à la scène ce qu’aucun auteur dramatique n’avait osé faire avant lui : le drame d’une agonie. Mais il le fait dans un registre de tragi-comédie, jamais très éloigné du fameux théâtre absurde qui l'a fait connaître.  Au-delà des   thématiques du rire et de la peur  l'on peut  aussi considérer Le roi se meurt comme une pièce humaniste. 

© Tony Guillou 
Le roi se meurt - Théâtre de l'Epée de Bois

En effet, à la fois courte et longue, l'agonie de Bérenger Ier nous émeut par son caractère incontournable, par le simple fait que la mort est tout simplement commune à l'espèce humaine.  « Tout homme  est une sorte de Roi au centre de  l'Univers. L’univers lui appartient. Jusqu’au moment où justement tout cela s’écroule. », déclarait dans une interview en 1963 l'auteur inspiré de La Cantatrice chauve. (L'année précédente, il a écrit cette pièce sur la mort en deux semaines, sortant d'une maladie grave.)  L'on sent, particulièrement dans cette  pièce du théâtre de l'absurde, une réelle compassion de Ionesco pour cet être pétri de défauts qu'est le roi. 

© Tony Guillou 
Le roi se meurt - Théâtre de l'Epée de Bois

D'une certain façon sa mort inéluctable l'humanise, le rangeant au même rang que ceux qui sortent de son rang. Le personnage   n’est d'ailleurs pas du tout décidé à mourir. Têtu comme un enfant, il s'accroche à son trône et nie la réalité de son état durant une bonne partie de la pièce. Sans trop dévoiler le texte  l'on notera que Le roi se meurt est une pièce étrange, ascensionnelle. Dans sa façon d'envisager sa disparition, de la nier ou de l'accepter  Bérenger Ier interprété avec panache et en clown blanc par Jean Lambert-Wild   passe par toute une gamme de sentiments :  dénégation,  colère,  peur,  nostalgie,  résignation... Inscrivant le spectacle dans une ambitieuse progression narrative et visuelle,  la mise en scène  nous rappelle   que la dégradation physique du souverain va de pair avec celle d'un royaume ravagé par toutes sortes de problèmes. 

© Tony Guillou 
Le roi se meurt - Théâtre de l'Epée de Bois

Tout le spectacle s'inscrit dans un climat baroque rappelant l'univers circassien. La relation entre le Roi et les cinq autres personnages nous  est finement contée à travers un jeu des  comédiens  sans fausses notes.  Pour parler de l’angoisse humaine face au temps, à la mort, au néant  Ionesco  a semble-t-il utilisé toutes les facettes du tragique et du comique dans une pièce riche  en symboles. Propulsé en outre  par  un original jeu de lumières et de nombreuses trouvailles scéniques  ce spectacle est une grande réussite qu'il serait dommage de rater ! Par ailleurs dans Le roi se meurt Ionesco traite d'autres thèmes que la mort comme le retour à l'enfance ou la haine de la tyrannie - l'on remarquera que le roi porte le même prénom que le héros de Rhinocéros !

durée : 2 h

Le roi se meurt, d'Eugène Ionesco
Mise en scène : Jean Lambert-Wild
Avec  Jean Lambert-Wild, Vincent Abalain, Vincent Desprez, Nina Fabiani, Aimée Lambert-Wild, Odile Sankara

Théâtre de l'Epée de Bois
Cartoucherie (Salle en Pierre)
Paris 12e
horaires : du jeudi au samedi à 21 h ; les samedis et dimanches à 16 h 30

jusqu'au 9 novembre 2025


A lire :

La Cantatrice chauve, d'Eugène Ionesco

La Leçon, d'Eugène Ionesco

Les Chaises, d'Eugène Ionesco












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