Au Théâtre de l'Epée de Bois (Paris 12e) l'on peut découvrir Le roi se meurt, d'Eugène Ionesco (1909-1994) dans une mise en scène inventive de Jean Lambert-Wild. Au lever de rideau, le roi Bérenger Ier apprend qu’il va mourir dans une heure et demie. Tout commence alors à s’effondrer avec lui. Dans Le Roi se meurt, le célèbre dramaturge d'origine roumaine porte à la scène ce qu’aucun auteur dramatique n’avait osé faire avant lui : le drame d’une agonie. Mais il le fait dans un registre de tragi-comédie, jamais très éloigné du fameux théâtre absurde qui l'a fait connaître. Au-delà des thématiques du rire et de la peur l'on peut aussi considérer Le roi se meurt comme une pièce humaniste.
En effet, à la fois courte et longue, l'agonie de Bérenger Ier nous émeut par son caractère incontournable, par le simple fait que la mort est tout simplement commune à l'espèce humaine. « Tout homme est une sorte de Roi au centre de l'Univers. L’univers lui appartient. Jusqu’au moment où justement tout cela s’écroule. », déclarait dans une interview en 1963 l'auteur inspiré de La Cantatrice chauve. (L'année précédente, il a écrit cette pièce sur la mort en deux semaines, sortant d'une maladie grave.) L'on sent, particulièrement dans cette pièce du théâtre de l'absurde, une réelle compassion de Ionesco pour cet être pétri de défauts qu'est le roi.
D'une certain façon sa mort inéluctable l'humanise, le rangeant au même rang que ceux qui sortent de son rang. Le personnage n’est d'ailleurs pas du tout décidé à mourir. Têtu comme un enfant, il s'accroche à son trône et nie la réalité de son état durant une bonne partie de la pièce. Sans trop dévoiler le texte l'on notera que Le roi se meurt est une pièce étrange, ascensionnelle. Dans sa façon d'envisager sa disparition, de la nier ou de l'accepter Bérenger Ier interprété avec panache et en clown blanc par Jean Lambert-Wild passe par toute une gamme de sentiments : dénégation, colère, peur, nostalgie, résignation... Inscrivant le spectacle dans une ambitieuse progression narrative et visuelle, la mise en scène nous rappelle que la dégradation physique du souverain va de pair avec celle d'un royaume ravagé par toutes sortes de problèmes.
Tout le spectacle s'inscrit dans un climat baroque rappelant l'univers circassien. La relation entre le Roi et les cinq autres personnages nous est finement contée à travers un jeu des comédiens sans fausses notes. Pour parler de l’angoisse humaine face au temps, à la mort, au néant Ionesco a semble-t-il utilisé toutes les facettes du tragique et du comique dans une pièce riche en symboles. Propulsé en outre par un original jeu de lumières et de nombreuses trouvailles scéniques ce spectacle est une grande réussite qu'il serait dommage de rater ! Par ailleurs dans Le roi se meurt Ionesco traite d'autres thèmes que la mort comme le retour à l'enfance ou la haine de la tyrannie - l'on remarquera que le roi porte le même prénom que le héros de Rhinocéros !
durée : 2 h
Le roi se meurt, d'Eugène Ionesco
Mise en scène : Jean Lambert-Wild
Avec Jean Lambert-Wild, Vincent Abalain, Vincent Desprez, Nina Fabiani, Aimée Lambert-Wild, Odile Sankara
Théâtre de l'Epée de Bois
Cartoucherie (Salle en Pierre)
Paris 12e
horaires : du jeudi au samedi à 21 h ; les samedis et dimanches à 16 h 30Paris 12e
jusqu'au 9 novembre 2025
A lire :
La Cantatrice chauve, d'Eugène Ionesco
La Leçon, d'Eugène Ionesco
Les Chaises, d'Eugène Ionesco
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