Au Funambule Montmartre (Paris 18e) l'on peut découvrir Enfantillages de Léonore Confino dans une mise en scène de Camille Edwards. C'est un spectacle original qui au-delà des thèmes abordés (parentalité, crise conjugale) s'affirme comme une véritable tragédie moderne et humoristique.
Dans une intéressante progression narrative le texte de Léonore Confino met en exergue l'implosion d'un couple (Elle et Lui), pris dans la spirale de ressentiments et de coups de colère sans répit. Entre rire nerveux et larmes Enfantillages se révèle une pièce incisive, explorant au scalpel toutes les ambiguïtés d'un couple dont tout semblait alors avoir réussi. Valentine Darruty (Elle) et Adrien Herrera (Lui) forment un persuasif duo théâtral dans leur façon tant cérébrale que physique d'exprimer au quart de tour les émotions violentes qui agitent leurs personnages. Acide et tendre, le texte aux pointes féministes de Léonore Confino fait mouche, orientant le spectateur vers une amusante et amère réflexion sur la distribution des rôles au sein du couple et de la famille. Enfantillages interroge aussi sur les frustrations pouvant résulter de l'univers professionnel et de ses rites ridicules et contraignants. Mais surtout la pièce questionne le désarroi des parents confrontés à la différence de leur enfant de 7 ans (Alice), « pas comme les autres ».
Enfantillages - Le Funambule Montmartre
Personnage omniprésent dans la pensée d'Elle et Lui Alice ne nous est pourtant jamais montrée sur scène. C'est une sorte de « monstre » dont la vie nous est principalement évoquée à travers une mystérieuse fugue et quelques caprices irrationnels qui accaparent l'attention du couple cherchant des solutions rapides à tous ses besoins. Par bribes, le contexte même de sa naissance nous est relaté sur fond de chamailleries familiales, de petits mensonges et de non-dits. Subtilement Camille Edwards met en scène cette fureur conjugale au flot discontinu, car parcouru d'accents de tendresse, nous laissant deviner des personnages épuisés par leur parcours de vie. L'interaction et le ressenti de ce trio improbable constitué de l'homme, de la femme et de l'enfant mais aussi le regard social posé par les autres sur ce dernier constitue la toile de fond psychologique de cette pièce à la fois percutante et suggestive.
En effet, Enfantillages pose implicitement la question du handicap (au sens large) et de sa bonne réception par la société. Le couple formé par Elle et Lui n'est pas sans rappeler d'ailleurs celui de Samuel et Sarah dans Eugénie où l'auteur Côme de Bellescize scrutait impitoyablement les circonvolutions loufoques et douloureuses d'un couple fragilisé par le regard d'autrui sur leur progéniture. Dans Enfantillages les personnages nous sont représentés comme des trentenaires actifs et narcissiques évoluant dans un milieu professionnel favorisé, à cent lieux par exemple de ceux que nous décrit Lars Norén à travers le couple névrosé et alcoolique de Démons.
En abordant le thème de la crise conjugale et d'une certain façon son corollaire (la solitude) Léonore Confino a semble t-il a malicieusement choisi des personnages plutôt lisses, les trempant dans le moule de la méritocratie version bisounours en un subtil mélange de puérilité et de profondeur. Intelligemment conçu et propulsé par le jeu instinctif de deux comédiens doués ce spectacle est à découvrir !
durée : 1 h 10
Enfantillages, de Léonore Confino
Mise en scène : Camille Edwards
Avec Valentine Daruty et Adrien Herrera
Enfantillages, de Léonore Confino
Mise en scène : Camille Edwards
Avec Valentine Daruty et Adrien Herrera
Le Funambule Montmartre
53, rue des Saules
Paris 18e
horaires : les mardis et mercredis à 19 h ou 21 h
jusqu'au 26 novembre 2025
53, rue des Saules
Paris 18e
horaires : les mardis et mercredis à 19 h ou 21 h
https://youtu.be/KdQ_hyjuX9k?feature=shared
A lire :
Puzzle, de Jean-Céline Borel
Nouvel Eden, chronique d'un effondrement, d'Olivier Descargues
Démons, de Lars Norén
Un tramway nommé désir, de Tennessee Williams
Douce, d'après la nouvelle La Douce de Fedor Dostoievski
Projection privée, de Rémi de Vos
Eugénie, de Côme de Bellescize
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