Dans Vingt Dieux Louise Courvoisier nous raconte l'épopée fromagère d'un ado jurassien. Imprégné par un certain réalisme social, cet ambitieux premier long métrage de la réalisatrice originaire du Jura nous plonge au coeur même du monde rural et de ses attentes. La jeunesse décrite dans Vingt Dieux, c'est celle d'ados ayant généralement quitté tôt leurs études pour travailler avec leurs parents dans des exploitations agricoles. Dans un film à la fois naturaliste et intimiste Louise Courvoisier nous les montre zonant dans leur région d'origine entre boulots précaires et sorties alcoolisées.
Un certain mal-être mais aussi une forte détermination imprègne cette jeunesse et avec subtilité Vingt Dieux nous fait rentrer entre fiction et documentaire dans cet univers rural sous une forme cinématographique originale. Totone (18 ans), le personnage principal du long métrage, est un ado intelligent et vif, que l'on devine déterminé malgré son caractère soupe au lait et ses maladresses. L'histoire de Vingt Dieux évoque son parcours de chef de famille et ses incursions professionnelles dans l'industrie laitière et fromagère à la suite du décès de son père, exploitant agricole. Le film baigne à la fois dans une certaine tendresse et dans une rudesse virile qui n'exclut pas les bagarres.
Sans chercher à vouloir l'idéaliser ou au contraire à verser dans une certaine dramatisation Vingt Dieux nous suggère la quotidienneté d'un certain monde rural. L'interaction de Totone et d'autres personnages comme sa petite soeur, l'agricultrice Marie-Lise et la fromagère nous est finement décrite et paraît crédible. A travers Totone et son parcours chaotique rattrapé par la résilience le film au-delà de la simple histoire d'un jeune rural confronté à des difficultés propose - à l'heure ou les questions écologiques, environnementales et alimentaires s'imposent - une intéressante réflexion sur la place et le rapport d'un ado à la terre.
L'image sensuelle du Jura est d'ailleurs omniprésente dans ce film enveloppé d'un certain parfum de régionalisme avec ses paysages magnifiques, ses vaches plantureuses ou ses chevaux en liberté. Subtilement, la metteuse en scène introduit ses personnages dans des lieux réalistes (dancing, village, exploitation agricole). En outre, la façon de représenter la naissance des bêtes ou les corps nus contribue à la sensation d'un style cinématographique direct et sans fioritures. Le climat d'authenticité de Vingt Dieux doit aussi beaucoup au casting du film. En effet, bon nombre des acteurs, d'origine jurassienne, sont des non professionnels. Et Clément Faveau, qui a travaillé dans un élevage de volailles, a été recruté dans un lycée agricole.
Dans le film le fromage occupe une place centrale, en particulier le Comté, à la fois produit star jurassien et support initiatique permettant à Totone de se faire une place au soleil. [Sous sa forme symbolique le fromage incarne à la fois les plaisirs de la vie et des récompenses par le travail accompli.] C'est sans doute la partie la plus documentaire de Vingt Dieux : celle où l'on voit la fabrication de ce Comté, qui occupe une place centrale dans la région et dont Totone cherche à capter tous les secrets. Au final tant par sa forme que par son propos, Vingt Dieux se profile comme un véritable récit initiatique au pays du Comté !
Vingt Dieux, un film de Louise Courvoisier, drame, comédie, 2024
Clément Faveau, Luna Garret, Mathis Bernard, Dimitri Baudry, Maïwene Barthelemy, Armand Sancey Richard, Lucas Marillier
© Clément Faveau
Vingt Dieux
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