Avec The Listener le réalisateur américain Steve Buscemi nous propose un huis-clos mystérieux et anxiogène avec comme toile de fond la solitude des grandes villes et le travail de fourmi des lignes d'assistance téléphonique. The Listener raconte une nuit dans la vie de Beth, jeune femme dont ce n’est pas le vrai nom et qui répond aux appels de personnes en plein désarroi sur une ligne de type SOS Amitié. Dans le rôle de Beth, cette « auditrice » (listener) bénévole, Tessa Thomson offre un jeu tout en nuances dans le rôle d'une moderne jeune femme « thérapeute » à la fois très impliquée professionnellement et obligée, à l'écoute de toutes ces confidences, de se protéger affectivement. Flottante et incisive, la mise en scène de Buscemi oriente le spectateur vers un film ambigu à la fois étouffant et cozy.
En effet, la résidence de Beth a quelque chose qui tient de la serre, à la fois lieu clos et rassurant, imbibé de lumières, à l'écart du chaos lointain de la ville - ce dernier nous est suggéré au début du long métrage par le générique. Dans The Listener la tâche d'utilité sociale de Beth nous est montrée sous une forme à la fois documentaire et psychologique. L'investissement et le travail de concentration de « l'auditrice » nous est suggéré à travers les gros plans de visage de Beth. Le débit de sa voix, ses intonations à la fois douces et perplexes, mais surtout la conversation soutenue, entrecoupée de silences furtifs, qu'elle entretient avec ses multiples interlocuteurs fait de The Listener un film puissamment sensoriel, qui, au-delà de sa difficile identification, interroge sur la misère et le mal-être des appelants : une jeune femme battue par son petit ami, un délinquant sexuel pédophile, un vétéran d'Afghanistan traumatisé ou encore un taulard déboussolé par ses problèmes conjugaux...
A la fois fantomatiques et bien réels ces personnages n'apparaissent jamais sur l'écran, exprimant avec calme ou colère leurs problèmes relationnels à Beth à travers leurs paroles, parfois entrecroisées par celle d'un conjoint jaloux. Dans ce film aux couleurs claustrophobes il y a sans doute un moment de bascule, celui du curieux et cocasse dialogue entre une prof de sociologie déprimée et Beth, qui aspirée par l'intellectualisme et la dynamique suicidaire de son interlocutrice se livrera à des confidences. Avec The Listener le réalisateur américain, on l'aura compris, questionne toute la misère du monde, flot ininterrompu de problèmes sociaux et de drames personnels souvent liés à la petite enfance.
The Listener
Mais il le fait sous un angle particulier, celui du regard du thérapeute, confronté à toutes ces souffrances et obligé - moralement - d'apporter à défaut de solutions un certain apaisement à ses interlocuteurs anonymes. C'est sans doute la partie la plus intéressante du long métrage, qui explore implicitement le confort et l'inconfort de celle qui écoute. Par son positionnement particulier, le personnage d'auditrice bénévole de Beth peut rappeler celui du psy, du prêtre, voire du coach. Par son climat réaliste The Listener pose un regard pénétrant sur ces activités d'écoute de type associative souvent méconnues. L'on pourra aussi y voir un portrait au vitriol de la société, devenue au fil du temps un véritable cimetière des solitudes !
durée : 1 h 36
The Listener, un film de Steve Buscemi, fiction, drame, Etats-Unis, 2024
Avec : Tessa Thompson, Logan Marshall-Green, Rebecca Hall, Alia Shawkat...
Sélection festival : Mostra de Venise
Disponible en exclusivité sur la plateforme UniversCiné
Avec : Tessa Thompson, Logan Marshall-Green, Rebecca Hall, Alia Shawkat...
Sélection festival : Mostra de Venise
Disponible en exclusivité sur la plateforme UniversCiné
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire