C'est la Révolution. Les Femmes ont pris le pouvoir. Les hommes comparaissent devant des tribunaux, sont jugés sur leurs actes, condamnés à être émasculés. Voilà, entre autres sévices, ce qui menace Léon l'anti-héros de cette histoire farfelue et tragique, qui aimait trop le beau sexe. Sous ses aspects tonitruants de guerre des sexes, la comédie grinçante d'Anouilh laisse percer le désarroi des hommes mais aussi celui des femmes face aux changements sociaux rapides et aux nouveaux modes de communication.
La Culotte
La pièce - elle fut créée au théâtre de l'Atelier le 19 septembre 1978 ! - capte parfaitement (sur un registre il est vrai satirique !) le climat psychologique de l'époque post soixante-huitarde où elle fut écrite. Et ces échos pas si lointains que ça, bien que datant de près d'un demi-siècle (!), ne semblent pas particulièrement décalés à l'heure de l'explosion des réseaux sociaux « informatifs », des lanceurs d'alerte (#Meetoo, #Blancetonporc...), des revendications passionnées sur le genre et la race sans oublier les débats houleux sur l'écriture inclusive ou sur l'interprétation même de l'Histoire.
Subtilement, la mise en scène d'Arnaud Allain fait son miel de la dimension politique de ce texte peu connu du dramaturge et le transpose sur le mode humoristique dans le monde d'aujourd'hui. Pièce du répertoire tardif d'Anouilh, plus connu pour Léocadia (1940) ou pour le Voyageur sans bagage (1937), La Culotte est un OVNI théâtral que l'on goûtera avec curiosité. Il raconte l'histoire de Léon, écrivain et journaliste au Figaro, ligoté dans son salon par sa femme, qui l’accuse d’avoir fait un enfant à la bonne. Menottes aux poings, il attend patiemment son procès, où il encourt la peine d’émasculation, pour phallocratie abusive.
La Culotte
Dans une progression narrative intéressante, l'on suit amusé ce spectacle aux vagues parfums de Feydeau et de Pinter. Mais la pièce ne prend véritablement son envol qu'à partir de l'ouverture du procès. Dans un décor sobre mais parlant les personnages défilent, de plus en plus nombreux, de plus en plus revendicatifs et vociférants. Inventifs et drôles, les comédiens se faufilent parfaitement dans ce théâtre de l'absurde, nous invitant à travers de véritables personnages de boulevard à réfléchir sur le rôle dévolu aux femmes sans verser cependant dans une satire antiféministe et misogyne.
Dans La Culotte, le procès se révèle le lieu même du langage et de la censure où défilent tour à tour tous les proches de Léon : la femme revancharde, le fils traumatisé, une belle-mère gâteuse, une fille ayant maladroitement appris un texte par coeur sans oublier un avocat séducteur et des domestiques cocasses n'ayant rien à envier à ceux de Labiche ou de Molière. Avec drôlerie et un sens intuitif de l'observation ce spectacle questionne la part de vérité et de mensonge de chacun des intervenants au procès. Au final La Culotte se révèle une oeuvre complexe, à la fois théâtre divertissant et acide questionnement politico-philosophique sur les rapports hommes et femmes. Arnaud Allain nous en propose une savoureuse vision à la fois virevoltante et intimiste, donnant tout le sel à ce spectacle haut en couleur.
durée : 1 h 30
Reprise
La Culotte de Jean Anouilh
Mise en scène : Arnaud Allain
Avec Annaig Durand, Adina Lagarde, Florian Nibeaudeau, François Pilot-Cousin, Mathilde Salmon, Sacha Uzan, Antoine Waroude
Mise en scène : Arnaud Allain
Avec Annaig Durand, Adina Lagarde, Florian Nibeaudeau, François Pilot-Cousin, Mathilde Salmon, Sacha Uzan, Antoine Waroude
Centre Jacques Bravo
14-18 rue de la Tour des Dames
Paris 9e
- le mardi 12 novembre à 19 h
- le mercredi 13 novembre à 15 h et 20 h
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