3 ans après Oeil pour oeil (Quien a Hierro mata), le réalisateur espagnol Paco Plaza [Les Enfants d'Abraham (El Segundo nombre), 2002] propose avec La Abuela un film intimiste et métaphysique, questionnant à la fois notre peur de la vieillesse et notre difficulté à l'accepter.
Paco Plaza est l'une des figures majeures du cinéma fantastique tendance horrifique. Il s'est illustré notamment en 2007 avec le premier opus de la trilogie REC, qui distillait sans aucun temps mort un climat de terreur claustrophobique, quelque part entre Romero et du Lovecraft. Pour La Abuela, il donne une place centrale au thème de la vieillesse, privilégiant une réflexion aiguë sur le temps qui passe.
La Abuela
Les codes traditionnels du film d'horreur y sont plutôt discrets et à travers son nouveau film Plaza semble plutôt chercher à décrire une relation familiale devenue problématique, celle d'une vieille dame (Pilar) et de sa fille (Susana). Cette dernière est mannequin à Paris. Quand sa grand-mère est victime d'une hémorragie cérébrale, la jeune femme retourne à Madrid pour veiller sur elle. Mais elle découvre que le comportement de son aînée est devenu étrange... Dans un premier temps le personnage de Susana nous est décrit comme plein de sollicitude, se mettant en quatre pour s'occuper de sa grand-mère sénile.
La Abuela
Puis, dans une subtile progression cinématographique, La Abuela nous décrit la lassitude et l'angoisse de cette jeune mannequin, envisageant de mettre sa grand-mère adorée dans une maison de retraite. A l'écart des conventions du genre avec leurs effets spéciaux et maquillages outranciers, ce film artisanal et surtout suggestif s'intéresse avant tout aux détails. Dans sa manière d'aborder le thème de la vieillesse il privilégie une certaine rusticité et une esthétique minimaliste. Et le grand appartement bourgeois madrilène de Pilar est filmé un peu comme un vrai personnage, incarnant la solitude de Susana, dans sa douloureuse confrontation au quotidien avec sa grand-mère mutique.
La Abuela
Le corps est très présent dans le film, celui décharné de Pilar, mais aussi, celui nu, désirable et fantasmé de Susana. A travers des scènes simples au style naturaliste le réalisateur nous montre Susana assister Pilar à sa toilette, aux repas ou au coucher. Et dans ce film à la fois étrange et baroque, habité par des thèmes musicaux, le réalisateur espagnol nous suggère habilement le désarroi du personnage féminin face à ce corps à la fois étranger et bien réel, habité par un esprit complètement différent de ce qu'il était auparavant. Plaza place son personnage dans la même situation que celle des personnes confrontées à des proches souffrant d'Alzheimer à la différence près que dans le scénario la grand-mère est victime d'un accident cérébral irréversible.
Au niveau symbolique, Plaza semble aussi dans son film vouloir établir un parallèle entre le corps âgé de Pilar et celui attrayant de Susana, nous montrant ses deux personnages principaux plongés dans la solitude et le jeu des apparences. Sous une forme cinématographique raffinée et littéraire La Abuela est aussi un film peuplé de symboles et de clins-d'oeil au cinéma et à la peinture. L'appartement de La Abuela rappelle celui de Rosemary's Baby (1968) de Roman Polanski. La référence au Portrait de Dorian Gray s'enchaîne au jeu de miroirs dans lequel se complaît Susana. Le nom de cette dernière réapparaît dans le tableau Suzanne et les vieillards d'Artemesia Gentileschi. Film curieux aux contours expressionnistes, La Abuela interroge sur le mode fois réaliste et fantastique notre désarroi face à la vieillesse et au mystère de la mort. Et sa problématique rappelle un peu Relic (2020), autre film de genre, de la cinéaste sino-australienne Natalie Erika James Volckman.
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