lundi 17 janvier 2022

La place d'une autre


Avec La place d'une autre Aurélia Georges signe un film délicat et sombre au climat balzacien, questionnant l'identité sociale de la femme.
Aurélia Georges  a réalisé deux longs‐métrages :  L’Homme qui marche (2008) et La Fille et le fleuve (2015), qui naviguait entre drame poétique et fiction fantastique. La Place d’une autre est son troisième film.  Librement adapté de The New Magdalen (1873), roman anglais de Wilkie Collins,  La Place d’une autre  raconte l''histoire d'une jeune infirmière pauvre (Nélie) qui, se faisant passer pour quelqu'un d'autre, occupe une place de lectrice chez une veuve riche (Eléonore). 

La place d'une autre

Mais la  femme (Rose), qu’elle pensait morte durant la Grande Guerre, réapparaît, semant le trouble dans sa nouvelle vie. La réalisatrice a  choisi un thème fort, celui de l'usurpation d'identité, que l'on retrouve brillamment  dans des classiques du cinéma comme Vertigo, Le retour de Martin Guerre ou encore Plein Soleil. Elle a opté pour un style cinématographique suggestif, orienté à la fois vers l'angle social et la psychologie des personnages. Le tout est porté par une mise en scène à la fois classique et  léchée, qui reconstitue le décor et les rituels d'une maison bourgeoise de Province du XIXe siècle.  (De nombreuses scènes ont été tournées à Nancy.)

La place d'une autre

Le   profond désir  de sortir de sa condition sociale est sans doute le fil conducteur du long métrage.  Nous voyons  Nélie, le personnage principal, chercher par tous les moyens de fuir l'engrenage de la misère et de la prostitution, dans lequel elle s'est engouffrée.  Cette place de lectrice auprès de la grande bourgeoise Eléonore révèle à la fois son émancipation intellectuelle mais aussi sa nouvelle liberté chèrement payée et au prix d'un mensonge. Entre drame bourgeois et thriller historique le film  La place d'une autre nous laisse aussi découvrir des êtres  blessés et solitaires et, comme son titre nous le suggère, l'implacable injustice qui les frappe.

La place d'une autre

 Celle  de la place inférieure dévolue aux femmes pauvres comme Nélie, qui se rebelle par tous les moyens contre leur sort  mais aussi  l'injustice de la position de Rose, dont le mensonge de Nélie la place dans  une situation de grande précarité.  Pour cette grande fresque aux accents romantiques et naturalistes Aurélia Georges a privilégié des personnages psychologiquement complexes. Dans celui de Nélie,  tiraillé entre la violence de son mensonge et le désir d'une vie confortable, Lyna Khoudri se révèle convaincante. 

La place d'une autre

Quant à Sabine Azéma (Eléonore) elle interprète avec talent   un rôle intéressant de bourgeoise  autoritaire et compatissante.  Se prenant d'affection  pour cette  jeune fille au passé trouble elle sera amenée à choisir entre ses sentiments et la bienséance des codes de son milieu.     Maud Wyler donne à son personnage de Rose un ton juste et naturel  de femme  révoltée et agressive.  Quant à Laurent Poitrenaux, il interprète subtilement  le personnage du pasteur et frère d'Eléonore. A la fois  troublé par l'identité de Nélie et habité par un certain humanisme, il nous apparaît comme un personnage à la fois engagé politiquement et socialement. 

durée : 1 h 52

La place d'une autre, drame, historique, un film d'Aurélia Georges, France, 2021
Avec Lyna Khoudri, Sabine Azéma, Maud Wyler, Laurent Poitrenaux

La place d'une autre

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