Juste deux ans après
Last (2016) le groupe allemand
Frequency Drift sort un 8e opus ambitieux et prenant, intitulé
Letters to Maro.
Originaire de Bayreuth,
Frequency Drift est une formation exigeante, proposant à la fois une musique novatrice et sophistiquée mêlant rock progressif et ambiances arty et néoclassiques. Concentré autour du duo
Andreas Hack (claviers, synthés, guitare, basse, mandoline) et
Nerissa Schwarz (synthés, mellotron), le nouveau
Frequency Drift s’est adjoint les services d’un batteur (
Wolfgang Ostermann) et d’une nouvelle chanteuse (
Irini Alexa) au chant puissant et cristallin. Avec sa diction particulière, ses intonations mélodiques et changeantes, cette dernière apporte beaucoup au climat atmosphérique et un peu hors du temps - pour simplifier on dirait « floydien » - de ces
Letters to Maro. Pour le style vocal, on pourrait la situer quelque part entre
Maggie Reilly (
Mike Oldfield) et
Annie Haslam (
Renaissance). Il y a sans doute là une belle cohérence car la musique tranquillement aventureuse de
Frequency Drift rappelle souvent la musique progressive « néoclassique » de
Renaissance, formation anglaise des seventies, friande, elle aussi, d’influences folk, classiques et rock. Outre bien sûr des soli de guitare électrisants et des nappes de claviers et de synthés « bien space », la musique de la formation teutonne s’enrichit d’instruments plus confidentiels (flûte, violoncelle, harpe, marimba). Tout cela contribue à donner une réelle consistance à la musique de
Frequency Drift, dont les membres, véritables alchimistes du son, ont forgé en studio ce style feutré et original, qui s'accompagne de textes à la forme un peu allégorique. « Izanami » évoque la mythologie japonaise ; « Escalator », la perte sensorielle des repères ; « Nine », les fantômes. La musique de
Frequency Drift n’est ni particulièrement prétentieuse ni difficile d’accès.
Frequency Drift
Elle sait échapper aux pesanteurs expérimentales de bon nombre de prog rock bands dont le narcissisme triste et grandiloquent ou les trop longs formats ont même fini par lasser les plus passionnés des amateurs de musiques dites « progressives ». D’ailleurs, le format de
Letters to Maro (11 titres) est plutôt concis, ouvert généreusement à un pop rock mélodique et à des incursions folk et electro. Le groupe qualifie d’ailleurs sa musique de « cinématique ». Titre légèrement orchestré, « Dear Maro » ouvre le bal, porté par le son délicat d’un violoncelle et par la voix suave d'
Alexa. Par ses accents electro-pop, le pimpant « Electricity » rappelle un peu du
Enya/Kate Bush. Quant à « Izanami », il oscille entre un folk mélodique et une space music à la
Vangelis/Bowie (période berlinoise). « Who’s Master ? » et « Neon » sont peut-être les titres les plus ouvertement progressifs. Par sa musique changeante et bigarrée, et surtout par les acrobaties vocales de l'Allemande le premier morceau lorgne vers
Peter Hammill/Van Der Graaf Generator. Quant au second, c’est peut être le titre le plus ambitieux du CD avec d'étonnantes réverbérations de voix et guitares, des plages instrumentales habilement ciselées et d'accrocheuses sonorités art rock. « Neon » a même un petit parfum de Canterbury (genre
Caravan) avec un sens capricieusement subtil de la mélodie et des nappes fugaces de claviers/synthés. Autre morceau agréable, « Underground » séduit pour la voix et un climat pop celtique proche de la
Cécile Corbel des débuts ainsi que pour les expressionnistes et délicates parties de synthés, rappelant le travail de
Ryûchi Sakamoto sur la musique du film
Furyo. Par la diction appuyée d'
Alexa, la place proéminente du piano, des chœurs féminins et par l'instauration des sonorités futuristes « Escalator » rappelle la
Kate Bush des eighties. Au final,
Letters to Maro est un disque aussi étrange que raffiné, opérant sans doute la même séduction que peut susciter le pop/prog de
Satellite (2010) de
Panic Room ou celui du
Folklore (2016)) de
Big Big Train. Egalement, c'est sans doute le CD le plus abouti de
Frequency Drift.
Frequency Drift, Letters to Maro, Gentle Art Of Music, Allemagne, 2018
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