lundi 25 septembre 2017

La vie est un songe



La vie est un rêve (v.1633) [La vida es sueno], pièce du poète dramatique espagnol Pedro Calderon (1600-1681), est généralement considérée - de même que Don Quichotte de la Manche - comme le chef-d’œuvre du Siècle d’or. Avec talent Clément Poirée s’attaque à ce mythe, mettant en scène au Théâtre de la Tempête cette œuvre puissamment métaphysique et pulsionnelle.

Avec ses oracles monstrueux et ses phantasmes de succession et de meurtre, l’aspect délirant de La vie est un songe perce dès le début du drame par un climat baroque et sa trame savamment tordue : un roi (Basile), après avoir enfermé son fils (Sigismond) dans une tour, le libère en vue de trouver un successeur au trône. Après avoir constaté sa violence, il le drogue et le place de nouveau en prison, lui faisant croire à son réveil que tout ce qu’il a vécu était un rêve…

Crédit photo : Antonia Bozzi - La vie est un songe

Dans un inquiétant décor, baigné par un jeu performant de lumières et une scénographie labyrinthique, Poirée en habile marionnettiste nous oriente vers le douloureux jeu de pistes d’un drame familial, politique et humain. Indéfiniment, Basile et Sigismond s’interrogent sur leur capacité à maîtriser le destin. (Pour Calderon, le monde - nature et société - n’est qu’apparences.) La langue de l’auteur espagnol est raffinée, poétique, plus qu’ouverte à la réflexion philosophique [le décorticage de son texte serait un vrai délice pour les psychanalystes !] avec une pointe de morbidité. Très crédibles, les comédiens honorent ce conte métaphysique aussi délicat qu’inquiétant. On signalera particulièrement le grand jeu de Makita Samba (Sigismond) en jeune homme révolté et sage ainsi que le subtil positionnement de John Arnold (Basile) en roi peureux et méditatif. 

 Portrait de Pedro Calderon de la Barca

Si l’on met de côté quelques passages difficiles, le texte de Calderon frappe avant tout par son culot et sa modernité. Bien avant l’éminent David Hume et l’avènement de la psychologie moderne et de ses concepts à la mode (« la fameuse résilience »), l’auteur d’Echo et Narcisse interrogeait subversivement par la forme théâtrale ses contemporains du XVIIe siècle sur le monde, pressentant dans la réalité « subjective » de chacun l'essence même de la vérité. Le regard effaré de Sigismond sur le monde nous dévoile à la fois les limites de la perception et la grandeur du questionnement individuel. La vie est un songe est à la fois un classique indémodable et un grand spectacle à découvrir ! 

durée : 2 h 
 
La vie est un songe, de Pedro Calderon de la Barca
texte français : Céline Zins
mise en scène : Clément Poirée
Avec John Arnold (Basile), Louise Coldefy (Etoile), Thibaut Corrion (Clairon), Pierre Duprat (Astolphe), Laurent Ménoret (Clothalde), Morgane Nairaud (Rosaura), Makita Samba (Sigismond), Henri de Vasselot (le Musicien)

Théâtre de la Tempête (salle Serreau)
Cartoucherie - Route du Champ-de-Manœuvre
Paris 12e
horaires : du mardi au samedi (20 h), dimanche (16 h)

jusqu'au 22 octobre 2017






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire