lundi 21 mars 2016

Gauguin aux Marquises - L’homme qui rêvait d’une île


Dans Gauguin aux Marquises - L’homme qui rêvait d’une île, Laure Dominique Agniel évoque l’exceptionnel destin du peintre marginal et visionnaire, qui alla chercher en Polynésie un cadre de vie propice à l’épanouissement de son art.

Auteure d’un Tahiti Marquises sur les pas de Gauguin (2003), Laure Dominique Agniel retourne avec ce Gauguin aux Marquises sur les traces biographiques de l’inoubliable Paul Gauguin (1848-1903), peintre qui plus que tout autre voulut s’affranchir des conventions artistiques de son époque. Fourmillant d’anecdotes et d’infos sur la vie quotidienne de Gauguin aux Marquises, l’ouvrage de près de 200 pages fait donc la part belle à cette période clé des Marquises, marquée à la fois par la vitalité créative de l’artiste et son engagement social et politique auprès des indigènes. Victime de problèmes de santé et happé par les procédures administratives et judiciaires, le célèbre occupant de la Maison du Jouir devait finir misérablement son existence sur l’île de Hiva Oa.

Vairumati, 1897, huile sur toile

Gauguin avait d’ailleurs séjourné en Polynésie en 1891-93, mais quand il y retourne définitivement deux ans plus tard ce n’est plus déjà le même homme. A ce propos, L.D Agniel écrit dans son livre :    « Quand il repart en 1895 c’est sans espoir de retour, blessé par l’échec de ses projets, aigri et désenchanté […] Il n’a plus de but, il ne croit plus en rien si ce n’est en son art, la maladie l’a rendu encore plus misanthrope et agressif parfois. » C’est sans doute tout l’intérêt de cette biographie à l’écriture limpide et aux analyses pertinentes de tenter d’approcher le mystère de Gauguin ainsi que les contradictions de l’homme à travers la description de son progressif divorce avec ses repères traditionnels : rupture familiale - aux Marquises, il coupe définitivement les ponts avec sa compagne danoise et les cinq enfants issus de ce mariage ; rupture intellectuelle avec la civilisation occidentale (qu’il excrée), rupture par ricochet avec les codes artistiques européens.

Cavaliers sur la plage, 1902, huile sur toile

Egalement, la lecture de Gauguin aux Marquises nous renseigne sur la profonde dimension sociale et humaniste - souvent méconnue - de la présence de Gauguin dans ce trou perdu du Pacifique Sud. En effet, le peintre maudit défendra avec acharnement les droits de ses amis marquisiens d’origine indigène, ce qui lui vaudra d’innombrables chicaneries et le harcèlement judiciaire de la part de l’administration coloniale. Egalement, il faut sans doute reconsidérer l’image idyllique de la Polynésie que donne à contempler Gauguin à travers chevaux féeriques, superbes paysages et charmantes  vahinés en colliers de fleurs. Ainsi, le livre d’Agniel nous donne de précieux renseignements sur la politique territoriale des colons ainsi que sur la réalité de la vie quotidienne des indigènes.

Paysage, 1903, huile sur toile

Ces derniers étaient déjà en cette fin XIXe/début XXe siècle dépossédés de bon nombre de leurs attributs culturels. Egalement, on apprend dans ce livre que la vie de Gauguin aux Marquises fut tout sauf un long fleuve tranquille. épidémies, deuils, inondations et querelles constantes avec les fonctionnaires français furent son lot quotidien au cours de ce séjour d’ailleurs assez bref (2 ans). Très agréable à lire, Gauguin aux Marquises nous donne des clés pour mieux comprendre  l’œuvre si moderne -  qui inspira  Derain, Matisse et Picasso - ainsi que l'homme Gauguin, ce  grand fauve blessé et visionnaire.

Laure Dominique Agniel, Gauguin aux Marquises - L’homme qui rêvait d’une île, éditions Tallandier, 224 pages, 2016 

A signaler :
Exposition au Musée du Quai Branly « Mata Hoata arts et société aux îles Marquises »
du 12 avril au 24 juillet 2016


Paul Gauguin en 1891 









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