Inspiré par le roman Frankenstein, Laurent Gutmann (texte et mise en scène) renouvelle à sa façon le mythe de la célèbre créature née de l’imagination de Mary Shelley (1797-1851), offrant au Théâtre de l’Aquarium un spectacle étrange, poétique et fort original.
Qui ne connaît le célèbre monstre né de la littérature anglaise du XIXe siècle orientée vers les délices gothiques du romantisme et du fantastique ? Popularisée par les images expressionnistes et sombres du film de 1931 signé James Whale sous les traits de l’inquiétant Boris Karloff, la créature kitch des bas-fonds de la science monstrueuse et des pulsions improbables se profile par excellence « théâtrale ».
© Pierre Grosbois - Victor F (Théâtre de l'Aquarium)
Visiblement, le mythe inspire l’espace scénique, et l’on signalera actuellement une excellente pièce inspirée d’un récit de Thierry Debroux, mettant à l’honneur l’univers de Frankenstein [Mademoiselle Frankenstein, mis en scène par Frédéric Gray et Géraldine Clément, A La Folie Théâtre jusqu’au 4 février 2016]. Avec Victor F, Laurent Gutmann nous propose une sorte de conte philosophique charmant et cruel questionnant le rapport mystérieux qui lie le scientifique illuminé à sa créature. Egalement, le spectacle aborde sur le mode allusif des débats contemporains sur la manipulation du vivant et les risques de dérapage des idées transhumanistes.
© Pierre Grosbois - Victor F (Théâtre de l'Aquarium)
Plantant son « savant » atypique (Victor F) dans le décor bucolique d’une Suisse de carte postale, le metteur en scène sur le mode de l ‘émotion voilée et de l’humour décalé oscille constamment côté climat entre sérieux et grotesque dans cette histoire de fou furieux presque raisonnable ayant réalisé son rêve (ou plutôt cauchemar !) de concevoir artificiellement un homme nouveau. Le jeu des comédiens se révèle efficace. Les déambulations presque nonchalantes de Victor F nous sont contées à travers son entourage immédiat : un ami-assistant (Henri), aveugle débonnaire, philosophe et un peu collant ; une femme (Elisabeth) avec qui le savant noue des rapports passionnément compliqués…
© Pierre Grosbois - Victor F (Théâtre de l'Aquarium)
La créature nous apparaît sur scène avec un drôle de masque issu du KFX Studio. L’échec de la relation entre cette dernière et son démiurge nous est suggéré par l’expression de la frustration de la créature, reprochant à Victor F son manque d’amour et son refus de lui donner un nom. La manipulation du vivant et le refus symbolique de la paternité par Victor F servent de thématique forte à la pièce. Au final, un spectacle surprenant à la drôlerie déconcertante avec un fort accent de poésie !
Victor F. d’après le roman Frankenstein de Mary Shelley
Texte et mise en scène : Laurent Gutmann
Avec Eric Petitjean (Victor F.), Cassandre Vittu de Kerraoul (Elisabeth), Luc Schiltz (La créature), Serge Wolf (Henri)
Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie - route du champ de manœuvre
Paris 12e
du mardi au samedi à 20 h 30, le dimanche à 16 h
jusqu’au 24 janvier 2016
© Pierre Grosbois - Victor F (Théâtre de l'Aquarium)
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