lundi 26 mars 2012

Sincères condoléances



Avec Sincères condoléances, le Danois Erling Jepsen  poursuit avec son habituel talent romanesque à travers l’évocation d’une famille aussi excessive que complexe.
Nous retrouvons  Allan, l’enfant trop imaginatif de L’Art de pleurer en choeur,  qui s’illustrait dans ce délicieux roman tragi-baroque en compagnie d’un père dénaturé et d’une sœur borderline.  Le gamin lunaire de Sincères condoléances, maintenant homme d’âge mur, marié et père d’une petite fille, est devenu un célèbre écrivain.  Après le décès de leur père et une brouille familiale de dix ans, nous  suivons son retour et celui de Sanne, dans le sud du Jütland.  Leur présence au village va réactiver de puissantes blessures familiales. Oscillant entre conte burlesque et thriller psychologique,    ce puissant roman  de près de 300 pages tourne autour de l’obsessionnelle quête de vérité d’Allan…  Son père a t’il été tué ?  Comment est-il mort ?  Dans le décor légèrement suranné d’une province danoise, peuplée d’énigmatiques et savoureux  personnages secondaires (Svend, Hagensen, Hawas), Jepsen fait ressortir toute la problématique de ce lettré de Copenhague devant partager au cours de ce séjour l’intimité insupportable d’une  mère manipulatrice (Margreth), d’un frère hostile(Asger) et d’une sœur anxieuse, l’ex-fofolle de L’Art de pleurer en choeur.
Erling Jepsen

 D’emblée,  Sincères condoléances nous fait pénétrer dans la haine bien  huilée - et amoureusement cultivée – d’Allan pour son père.  Mais progressivement, et c’est tout le talent de Jepsen, cette haine va se muer en une forme irréversible de quête/enquête métaphysique. Ce géniteur, présumé « bourreau »,  aura même aux yeux nouveaux de son fils des langueurs de victime. Et la réalité familiale n’aura de cesse de se morceler : les mesquineries de la mère vont surgir au grand jour, allant de pair avec son désir sourd d’émancipation. Des  culpabilités inédites vont ronger le cerveau d’Allan, comme ses succès littéraires. A la fois conteur désopilant et romancier mélancolique,  subtilement enfantin, Erling  Jepsen exprime à travers ses outrances narratives toute la subjectivité d’un univers familial aussi confus que dévastateur  dans lequel victimes et bourreaux n’ont jamais une place clairement définie dans ce theatrodelmundo de la douleur.    

Erling Jepsen, Sincères condoléances, roman traduit du danois par Caroline BergSabine Wespieser éditeur, 328 pages, 2011

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