lundi 8 septembre 2025

Le chat noir de Napoléon


Dans Le chat noir de Napoléon Alexandra Albertini et Marie-Paule Raffaelli proposent un regard atypique sur l'Empereur, mettant  en exergue la dimension superstitieuse - souvent méconnue du grand public - du personnage historique. Elles l'inscrivent subtilement dans le contexte historique et politique de son époque   soulignant aussi  l'influence de son entourage. Napoléon, lui-même, reconnaissait que des  « prodiges  »  accompagnaient sa vie.  Dans cet intéressant ouvrage de près de 300 pages,  qui puise notamment  ses sources  dans la volumineuse  Correspondance  générale de Napoléon, qui compte plus de 40 000 lettres en 15 volumes et s'étend de1784  à 1815 ! -  les autrices brossent un portrait inédit de l'Empereur, mettant à nu sa fascination pour le surnaturel et sa proximité  avec les croyances. Une certaine mégalomanie entoure naturellement le personnage historique. Dans leur introduction  Alexandra Albertini et Marie-Paule Raffaelli précisent que « l'autoreprésentation quasi messianique de l'Empereur le conduit à adhérer lui-même à sa légende autoproclamée, portée par sa "bonne étoile", comme un guide irrationnel qui le conforte dans sa mission.»     Le chat noir de Napoléon nous montre  le rapport ambivalent et ambigu qu'il entretetient avec l'irrationnel. A travers ses lettres transparaît d'ailleurs une critique virulente des superstitions. Pourrait-on parler à propos de Napoléon d'un superstitieux tempéré ? En tout cas, et ce livre à la fois érudit et accessible le rappelle souvent, cette dimension superstitieuse chez Napoléon n'éclipse jamais  la dimension puissamment  rationaliste du personnage.   A travers de fines observations et suivant chronologiquement son parcours de son enfance corse à la fin du XVIIIe siècle jusqu'à sa débâcle en 1815,  cette enquête minutieuse, qui privilégie     le portrait psychologique à l'anecdote,   nous montre que la superstition de Napoléon n'est ni un mythe ni une vérité mais un entrecroisement  permanent entre  l'accomplissement d'un destin et son subjectif ressenti.   Dans l'histoire que Napoléon entretient avec la superstition deux noms apparaissent d'emblée : celle de la mère Laetitia Bonaparte et de l'impératrice Joséphine. Non seulement, la première est superstitieuse mais très réceptive à  des expériences liées à la magie et à la divination. Quant à la seconde,  également superstitieuse, elle s'intéresse à l'occultisme et depuis sa jeunesse créole et se fait régulièrement prédire l'avenir.  Dès 1796, peu après leur rencontre,  Napoléon développe dans ses lettre l'idée romantique  que Joséphine est englobée dans la magie de son destin !  Dans L'homme qui voulait tout - Napoléon, le faste et la propagande, Xavier Mauduit avait finement décortiqué la construction du mythe de Napoléon Ier.  Ce dernier a su parfaitement cultiver sa légende, certains diront sa propagande, notamment dans l'univers des lettres et des arts mais aussi dans des domaines plus confidentiels. Le livre Le chat noir de Napoléon  nous en donne de nombreux exemples,  laissant percer la résonance superstitieuse  de l'Empereur que ce soit à travers le rôle symbolique de la musique  au sein de l'armée napoléonienne  ou à travers la multiplicité des symboles maçonniques  forgeant sa légende, notamment à la suite de  sa campagne d'Egypte.  On l'aura    compris  ! La superstition de Napoléon est très spécifique. Dans la conclusion de cette enquête au coeur de l'irrationnel napoléonien l'on peut lire   :  « La superstition de Napoléon  n'est pas la superstition de tout un chacun, celle d'un homme du peuple crédule ou d'un esprit délirant, ou simplement celle d'un voyant de tradition. Elle est la superstition d'un penseur éclairé qui croit voir la marche du monde et la place primordiale qu'il y tient pour l'améliorer. Il se pense voué à un destin prometteur et exceptionnel dont l'accomplissement est forcément, il en est instinctivement convaincu, mâtiné de superstition.   » 

Alexandra Albertini & Marie-Paule Raffaelli, Le chat noir de Napoléon, éditions du Cerf, 328 pages, 2025

Préface  du professeur Jacques-Olivier Boudon

Ouvrage publié avec le concours de la Fondation Napoléon

A lire :

François de CoustinLouis Bonaparte. Roi rebelle et mélancolique, Histoire/Biographie, éditions Perrin, 617 pages, 202 pages

Xavier Mauduit, L'homme qui voulait tout - Napoléon, le faste et la propagande, éditions Autrement, collection « Vies parallèles », nouvelle édition, 330 pages, 2021

Patrick Tudoret, La gloire et la cendre L'ultime victoire de Napoléon, livre broché, grand format, éditions Les Belles Lettres, 240 pages, 2021

Charles-Eloi VialMarie-Louise, éditions Perrin, 448 pages, 2017

Pierre Branda, Joséphine - Le paradoxe du cygne, éditions Perrin, 460 pages, 2016









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