Terence Abela a passé neuf ans à traverser l'ex URSS pour y dénicher des fragments du passé. Dans l'ouvrage URSS abandonnée le photographe français célèbre à la fois la beauté et la mystérieuse intemporalité de patrimoines en péril. Pour mieux nous faire découvrir tous ces curieux morceaux d'histoire(s) le photographe a privilégié les lieux les plus diversifiés : palais, aéroports, écoles, églises, gymnases ou encore gares et sanatoriums.
On peut ainsi découvrir dans URSS abandonnée des photos panoramiques spectaculaires par leur immobilité suggestive, voire lunaires et étranges comme dans le Kazakhstan où il immortalise au milieu des steppes une pancarte aux allures de panneau directionnel ou encore une statue de femme kazakh découverte sur le bord de la route, avec en arrière-plan une ligne ferroviaire fantomatique. Les photos du Kazakhstan d'Abela sont d'autant plus insolites que bon nombre d'entre elles ont été prises dans des zones qui ont reçu beaucoup de débris de fusées !
Petit théâtre privé à l'intérieur du sanatorium où se rendait Staline,
conservé comme un musée (Géorgie)
Belles et énigmatiques, ces photos nous rappellent aussi le poids de l'Histoire comme les nombreuses statues et fresques qui jalonnent encore l'Arménie, proclamée indépendante seulement depuis 1991. Rappelant son passé relativement proche Abela a immortalisé l'une des rares statues de Lénine encore debout dans le pays ou encore la dernière gare d'Arménie contenant des trains soviétiques. Derrière cette station fantomatique l'on pourra remarquer les montagnes imposantes de l'Iran.
Sanatorium de Tskaaltubo (Géorgie)
Dans cette découverte de l'Histoire à travers ces paysages de ruines l'on perçoit le désir du photographe de conserver intacte la mémoire de patrimoines délaissés par les Etats pour des raisons idéologiques ou financières. « Peu à peu j’ai trouvé un sens à photographier ces ruines au cours de mes voyages. Elles permettent de garder une trace de l’histoire, oubliées par le temps ou par l’homme. Cette destruction donne un aspect bucolique à la photo, notamment lorsque la nature reprend ses droits », constate philosophe Terence Abela.
Auto-tamponneuses dans la zone de loisir
située dans le centre-ville de Prypiat (Ukraine)
En réponse à cette nature indéfinie, perdue entre deux mondes, le photographe nous propose une vision esthétique un peu irréelle voire monstrueuse. Ainsi, dans ses clichés de la république autonome d'abkhazie, il immortalise de spectaculaires vestiges de gares, d'écoles, de complexes sportifs, de sanatoriums ou d'aéroports. Enigmatique, l'une de ces photos représente un imposant arrêt de bus de style brutaliste, dressé au milieu des vaches.
Arrêt de bus de style brutaliste (Abkhazie)
D'une mosquée en ruine du Haut-Karabagh à un palais baroque d'Ukraine en passant par une école de marine désaffectée de Lettonie Terence Abela à travers ses photos comme pétrifiées endosse un rôle à la fois artistique et indispensable : celui de passeur de mémoire…
Terence Abela, URSS abandonnée, relié, grand format, éditions Jonnglez, 234 pages, 2021
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