Au Théâtre Les Enfants du Paradis l'on peut découvrir Sherlock Holmes VS Conan Doyle d'Ophélie Raymond dans une mise en scène de Renato Ribeiro. Serpentant entre imaginaire et réel, c'est un spectacle original et drôle questionnant le rapport ambivalent entre le romancier Conan Doyle (1859-1930) et son plus célèbre personnage de fiction.
Dans cette comédie policière délicieusement loufoque et au décor victorien pur jus, l'on découvre un Conan Doyle à la fois résolu et dubitatif interprété tout en délicatesse par Serge Requet Barville. En effet, le plus éminent occupant du 221 B Baker Street a pris une décision aux effets incalculables : se débarrasser de sa créature Sherlock Holmes, par ailleurs véritable poule d'or pour l'auteur. C'est une décision d'autant plus inconfortable que le principal intéressé, accompagné de son éternel compère, le Dr John Watson, a eu vent de ce « meurtre littéraire ». S'inscrivant pleinement dans un registre théâtral de comédie humoristique aux accents mélancoliques, Renato Ribeiro met subtilement en scène l'énigmatique et savoureux texte d'Ophélie Raymond. Par le geste, la mimique et les attitudes les quatre excellents comédiens de Sherlock Holmes VS Conan Doyle s'infiltrent puissamment dans cette histoire à dormir debout, qui au-delà du sens de la dérision oriente le spectateur vers une réflexion aiguisée sur la rançon du succès tout en posant un regard espiègle et poétique sur des thématiques de la vie et de l'oeuvre de Conan Doyle. Dans la peau d'un Sherlock Holmes exalté et inquiet François Hatt se révèle troublant en clown triste, véritable cousin de Charlot, refusant sa mort programmée et donc la fin de l'histoire avec un grand S. [ Le fameux 'écrivain écossais fit tuer son héros dans la nouvelle Le Dernier problème (1893) avant de le faire « ressusciter par magie » plus tard dans La maison vide]. Quant à Maxime Bregowy il interprète avec brio le Dr John Watson, personnage central et fédérateur de la saga holmérienne, réputé pour ses remarquables déductions. Enfin, Delphine Husté dans un jeu humoristique de haute volée complète ce trio détonant, interprétant à la fois la femme de Doyle et une admiratrice indiscrète de Holmes. Au fil des scénettes la vie et l'oeuvre de Doyle est abordée par petites touches, mettant en exergue sa relation ambivalente avec le succès et sa « créature ». Il est notoire que le nouvelliste avait peu d'estime pour sa littérature policière, lui préférant ses romans historiques. Quant aux besoins financiers de l'auteur, il semble qu'ils aient joué un rôle important dans la surprenante résurrection du personnage de Sherlock Holmes en 1903. Quant à l'aspect passionnel de la relation compliquée entre Holmes et son créateur il nous est finement suggéré à travers le rapport amour-haine de l'écrivain confronté à son oeuvre. Comédie de et mise en scène par Valérie Mastrangelo [Essaïon Théâtre, 2023] Derrière le miroir interrogeait le rapport masochiste d'un écrivain frustré, décidant d'organiser une réunion peu ordinaire en réunissant tous les héros de son roman chez lui, leur laissant le pouvoir de décider qui sera sacrifié dans l'histoire. Outre l'amusante description du rapport complexe entre le héros et son démiurge pointe dans Sherlock Holmes VS Conan Doyle un questionnement sur les inconvénients et les servitudes engendrées par la célébrité. Pièce étrange et pimentée, Sherlock Holmes VS Conan Doyle met le spectateur face à un redoutable dilemme : qui est la marionnette ? « Elémentaire, mon cher Watson » (!!)
durée : 1 h 20
Sherlock Holmes VS Conan Doyle, une comédie policière d’Ophélie Raymond
Mise en scène : Renato Ribeiro
Avec Serge Requet Barville (Arthur Conan Doyle), François Hatt (Sherlock Holmes), Maxime Bregowy ou Christophe Som (Dr John Watson), Delphine Husté ou Valentine Riedinger (Louisa Doyle)
Théâtre Les Enfants du Paradis
(salle 1)
34, rue Richer
Paris 9e
horaires : les jeudis, vendredis à 21 h 30, samedis à 21 h 30 et 18 h, dimanches à 15h
jusqu'au 29 septembre 2024
J'ai vu cette pièce. Excellente analyse ! Rien à rajouter.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerJuste une petite précision, ce n'est pas le roman "Le chien des Baskerville" qui a ressuscité le personnage de Sherlock Holmes, puisque l'action du roman se déroule avant "Le problème final" en 1889 mais "La maison vide" qui voit le retour de Holmes après le grand Hiatus.
Bravo pour votre analyse de la pièce.
Cdt