Comédie cinglante sur le couple, les rapports sociaux, le pouvoir de l’art et celui de l’argent Pièce en plastique [Stück Plastik] (2015) est la dernière pièce écrite par le dramaturge allemand Marius Von Mayenburg. Au Théâtre de Belleville Adrien Popineau la met en scène, restituant subtilement le climat d'ironie et de fureur propre à l'auteur de Martyr et de Le Moche.
Acide et drôle le théâtre de Marius Von Mayenburg est une expérience aussi excitante qu'insolite. Ce n'est pas un auteur de pièces à thèses et heureusement l'on ne trouve pas chez lui tous les tics moralisateurs (pour ne pas dire pontifiants !) qui caractérisent les textes de bon nombre d'auteurs à la mode de sa génération comme ceux de son assommant compatriote Falk Richter ou ceux de l'Italien Fausto Paravidino (parmi les plus connus). S'il y a une dimension politique évidente dans son théâtre, c'est surtout l'aspect humoristique voire dérisoire et le climat d'étrangeté qui prédominent sa vision. En cela son théâtre, atypique et richement nourri par des dialogues farfelus et existentiels, est davantage à rapprocher du Bulgare Stratiev, du Russe Viripaev, de l'Anglais Pinter ou même du Polonais Gombrowicz. Dans Pièce en plastique c'est une femme de ménage (Jessica), qui sert de révélateur à toutes les tensions d'un couple bobo au bord du pétage de plomb. Le malicieux auteur de Visages de feu nous décrit minutieusement - sur le mode absurde et satirique qui le caractérise - le recrutement et l'installation progressive de cette femme dans cette famille aux multiples turpitudes. Rythmée et incisive la mise en scène de Popineau se profile séduisante et fluide. Porté par une excellente élocution et un jeu inventif chaque comédien offre là une belle performance, honorant du mieux son personnage croquignolesque : de la mère (Sophie), hystérico-sentimentale au fils (Vincent) à la démarche branlante de Frankenstein, rivé éternellement devant ses écrans - véritable couch potato avant l'heure ! Du père (Michel) fuyant et complètement dépassé par les évènements à l'artiste plasticien (Haulupa) parvenu, cynique et détaché de tout. Au-delà du simple aspect outré des caractères et des tempéraments l'on sent que dans Pièce en plastique Marion Von Mayenburg oriente son regard acidulé sur le fonctionnement même d'une certaine élite - celle friquée, médiatique et culturelle. Il en scrute, tel un entomologiste doté d'ironie les multiples épisodes évolutifs (préjugés, frustration sexuelle, complexe de supériorité, goût de la domination). Mais c'est sans doute, au-delà du déchaînement continu d'attitudes grotesques et autojustificatives de ses personnages, dans la mise en exergue même de ce langage à double tranchant que réside tout le sel de son théâtre. (En cela Von Mayenburg est très proche de Pinter.) Cet excellent spectacle constitue sans doute une belle opportunité pou découvrir ou revoir ce théâtre fort original dont Marion Boudier * notait déjà en 2010 : Son terrain d’observation est le quotidien, sans jugement ni discours globalisant, postmodernisme qui ne rime cependant pas avec un refus postdramatique de la fable, même si celle-ci subit quelques torsions. Violence, enchevêtrement des identités et des points de vue, des lieux et des temps, dérapages de la fiction dans une langue efficace et poétique caractérisent ce théâtre de la terreur au quotidien.
* Jeu (numéro 135) - Revue de théâtre - La terreur au quotidien - Marius Von Mayenburg, 2010
durée : 1 h 40
Pièce en plastique
Mise en scène : Adrien Popineau
Texte : Marius Von Mayenburg, édité chez L'arche dans une traduction de Mathilde Sobottke
Avec Aida Asgharzadeh (Jessica), Charles Morillon (Haulupa), Julien Muller (Michel), Cassandre Vittu de Kerraoul (Sophie) et Auguste Yvon (Vincent)
Texte : Marius Von Mayenburg, édité chez L'arche dans une traduction de Mathilde Sobottke
Avec Aida Asgharzadeh (Jessica), Charles Morillon (Haulupa), Julien Muller (Michel), Cassandre Vittu de Kerraoul (Sophie) et Auguste Yvon (Vincent)
Théâtre de Belleville
16, Passage Piver
Paris 11e
horaires janvier : lundi (21 h 15), mardi (21 h 15), dimanche (17 h 30)
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