Dans l’ouvrage Excessives ! Destins de femmes incroyables au XIXe siècle Louise Ebel met à l'honneur de fortes personnalités de la Belle Epoque aujourd’hui oubliées comme Madeleine Deslandes, Henriette Maillat, Berthe de Courrière ou Gisèle d'Estoc.
A la fois érudit, accessible et truffé d’anecdotes le livre de Louise Ebel explore l’histoire méconnue de six femmes exceptionnelles, qui, au XIXe siècle, furent aussi célèbres que Sarah Bernhardt ou Cléo de Mérode. Toutes ces personnalités - comédiennes, artistes, écrivaines, modèles ou demi-mondaines - inspirèrent en leur temps les plus grands écrivains, dont Zola, Proust, Huysmans, Bloy, Barbey d’Aurevilly et Maupassant.
Casas, Le Verre d'Absinthe, 1892 @ Museum Montserrat
Bon nombre de
leurs oeuvres furent même des portraits à peine déguisés d’elles-mêmes, ainsi dans Là-bas (1891) le bizarre et tourmenté Huysmans poussa le
mimétisme romanesque à retranscrire non seulement les lettres de Henriette Maillat mais alla jusqu’à
calquer son récit sur leur liaison à
travers le personnage double de Hyacinthe
de Chantelouve. Dans Excessives !, qui décrit sur un mode alerte et intimiste l’univers littéraire,
mondain et amoureux de la fin du XIXe siècle, on apprend ainsi de façon détaillée plein de
choses sur les mentalités des hautes classes de l’époque. L'ouvrage dépasse largement le cadre restreint des livres simplement ‘biographie/anecdotes’. Et l’auteure, que l’on devine féministe et complètement fascinée par ces
égéries, y propose d’audacieuses et d’intéressantes interprétations
psychologiques.
Albert-Joseph Perrot, La Femme Chauve-Souris, vers 1890 © Wikicommons
© Gustave Caillebotte, Intérieur
Est-il besoin de rappeler que la Belle Epoque, du moins dans ces milieux très huppés, fut marquée par une surenchère certaine : argent, fêtes, luxe, hédonisme, hypercréativité, ésotérisme rampant, multitude d'ordres mystiques… C’est dans ce contexte bien particulier dans lequel ces femmes évoluèrent dans un environnement à la fois brillant, riche et cultivé, peuplé d'artistes, de banquiers, d'éditeurs, de politiciens, d'écrivains et de marchands d'art mais aussi fortement peuplé d’êtres névrosés et caractériels, voire borderline. Intuitive et méthodique l'auteure décrit à travers ses six héroïnes ces drôles de noces entre demi-monde et classes dirigeantes. Ainsi, l’étonnant parcours de Geneviève Lantelme vaut le détour. Comédienne fantasque et capricieuse, elle partagea sa vie entre un époux sulfureux de la presse de l’époque (Alfred Edwards) et de multiples amants.
John Edward Collier, La Belle au Bois Dormant, 1921 © Wikicommons
Félicien Rops, Parodie humaine, entre 1878 et 1881 © Wikicommons
On signalera aussi la méconnue Berthe de Courrière, autre femme de lettres à la réputation sulfureuse, décrite par ses biographes comme nymphomane et satanique. Autre écrivaine, Madeleine Deslandes porta haut le préraphaélisme en France. En 1893 dans une lettre, elle décrivait ainsi (1), ravie, sa future séance de pose avec Edward Burne-Jones, pape incontesté du préraphaélisme anglais : « C'est un coup de foudre, son enthousiasme va même jusqu'à vouloir faire un portrait de moi - ce qui est paraît-il une chose dont je devrais être fière, car il a horreur de faire des portraits ».
Louise Ebel, Excessives ! Destins de femmes incroyables au XIXe siècle, préface de Mireille Bottin-Orsini, éditions Favre, 254 pages, 2019
(1) Lettre à Maurice Barrès, 1893, citée par Philippe Saunier, Edward Burne-Jones et la France : « Madeleine Descendes, une préraphaélite oubliée » , op.cit.
* photos tirées du livre Excessives ! Destins de femmes incroyables au XIXe siècle
Sir Edward Burne-Jones, Portrait of Madeleine Deslandes, 1896 © Wikicommons
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