lundi 20 mars 2017

Marie-Antoinette, correspondances privées



A la fois tragédie intime et politique, Marie-Antoinette, correspondances privées évoque un des personnages féminins les plus controversés de l’Histoire. Interprété au Théâtre Rouge par Fabienne Périneau et mis en scène par Sally Micaleff d’après un texte de l’historienne Evelyne Lever, le spectacle convainc par son portrait psychologique tout en nuances.


Par son rang et son mode de vie, Marie-Antoinette (1755-1793), affublée pour la postérité du dédaigneux « l’Autrichienne », fut une des figures les plus haïes et méprisées de la royauté. En 1932, dans une biographie classique mais novatrice, Stefan Zweig s’était penché déjà sur ce destin hors du commun, à la fois cruel et romantique. Il en résultait un portrait plus complexe de la reine, s’appuyant notamment sur des archives peu connues de l’Empire autrichien ainsi que sur la correspondance d’Axel de Fersen, son amant suédois.

©  Pascal Victor/Artcom Press - Marie-Antoinette, correspondances privées
Théâtre Rouge

Depuis, la documentation sur Marie-Antoinette et la Cour de son époque s’est considérablement enrichie. L’adaptation théâtrale de ce spectacle est basée au plus près de la correspondance intime de Marie-Antoinette, dont la spécialiste du XVIIIe siècle Evelyne Lever lui a consacré plusieurs ouvrages. [Elle a publié l’intégralité de la Correspondance de cette reine (Tallandier, 2005).] Dans un décor minimaliste alignant sofa et table d’écriture, Fabienne Périneau interprète avec finesse et réalisme Marie-Antoinette, nous en suggérant tous les élans, les caprices, les rancœurs, les multiples oeillères, mais aussi l’intelligence aiguisée, la force de caractère, la droiture, l’authenticité des sentiments et surtout le courage dans l’adversité. Simple et allusif, ce monologue nous entraîne donc en une subtile progression chronologique au cœur de cette vie à la fois courte et mouvementée : du temps insouciant de la jeune dauphine sous l’influence d’une mère autrichienne toute-puissante (Marie-Thérèse) mariée à 14 ans à un homme qu’elle n’a jamais vu (Louis XVI) à celui, lugubre, de la recluse du Temple et de la Conciergerie, devant expier symboliquement devant un peuple déchaîné ses penchants de coquette dépensière, obsédée par un tourbillon de distractions et de fêtes et se trouvant accusée de complot contre son peuple.

© Pascal Victor/Artcom Press - Marie-Antoinette, correspondances privées
Théâtre Rouge

Le monologue de la comédienne se profile d’autant plus convaincant qu’il s’inscrit dans une forme verbale sobre, parfois enjouée, jamais exaltée. Qu’il s’agisse de son penchant amoureux pour Fersen, de sa méfiance répulsive caractéristique pour les idéologies révolutionnaires mais aussi pour la Cour, qu’il s’agisse de sa grande proximité avec ses enfants, de son goût pulsionnel pour la fête et le luxe ou de son ambivalent rapport avec son époux royal (dans le rôle du bon gros gentil indécis et faible), la comédienne retranscrit par une simplicité de jeu et une émotion contenue les multiples facettes d’une reine à la fois mère, amante, femme, intrigante et sincère. Outre qu’elle constitue un exceptionnel document d’histoire, cette correspondance de Marie-Antoinette se profile au cœur même du spectacle. Et de façon troublante Fabienne Périneau fusionne complètement avec son personnage. La force dramatique de ce spectacle résulte sans doute de cette indéfinissable et mystérieuse alchimie.

durée : 1 h 10

Marie-Antoinette, correspondances privées
Texte : Evelyne Lever
Mise en scène : Sally Micaleff
Avec Fabienne Périneau

Théâtre du Lucernaire (Théâtre Rouge)
53, rue Notre-Dame-des-Champs
Paris 6e
horaires : tous les jours sauf dimanche et lundi : 18 h 30 ; le dimanche à 16 h

jusqu’au 7 mai 2017


Marie-Antoinette conduite à l’échafaud (16 octobre 1793), croquis attribué à David 

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