lundi 13 mars 2017

Zoologie




Avec Zoologie, le réalisateur russe Ivan I. Tverdovsky signe un film étrange et dérangeant, aux confins du fantastique et du réalisme social.

Après Classe à part (2015), qui portait sur la vie d’adolescents, le cinéaste nous propose un 2e long métrage de fiction au climat aussi baroque que kafkaïen. Par la force évocatrice de l’image et celle d’un scénario bien rodé, Zoologie ressuscite toute une Russie provinciale - que l’on pourrait croire disparue - avec sa ferveur religieuse et ses superstitions grotesques (le diable !), ses cancans de terroir et sa bureaucratie surannée. Le personnage principal du film (Natascha) est une vieille fille de 55 ans, vivant dans l’ombre d’une mère grincheuse et bigote et dans le cadre hostile de l’administration d’un zoo où elle occupe un poste au service des achats d’aliments.

Zoologie

Minutieusement, l’insolite histoire de Zoologie relate l’évolution de l’amitié amoureuse entre cette femme d’âge mûr et un jeune radiologue (Pétia), qui va changer sa vie et la rendre heureuse. Subtilement, le réalisateur évite les cadres étroits d’un cinéma naturaliste et gore, inscrivant cette simple histoire de résilience dans un drame intimiste teinté de surréalisme. Tverdovsky semble avant tout fasciné par la capacité de ses personnages à résister à tout déterminisme. Ainsi, dans son film, il nous montre la transformation mentale et vestimentaire de Natascha, épanouie dans sa relation avec Pétia. Cependant, il assortit cette libération mentale et l’épanouissement visible de son personnage d’une extraordinaire menace…

Zoologie

En effet, Natascha est amenée progressivement à découvrir le changement de son corps à travers une absurde queue au bas du dos. En toute chasteté, à travers cet élément symbolique évidemment très sexué ! - une animatronique réalisée par plusieurs techniciens -, Tverdovsky nous interroge crucialement, à travers la singularité physique de son personnage féminin, sur une notion sociale et philosophique des plus floues : l’identité. Mais Zoologie n’est pas un remake d’Elephant Man ! Et le film nous montre sans intention misérabiliste cette nouvelle vie cachée de Natascha à travers ses souffrances mais aussi ses joies. Natalia Pavlenkova (Natascha) et Dmitry Groshev (Pétia) interprètent avec talent et naturel leurs personnages improbables. 

Zoologie

(Partagés entre la joie exubérante de leur rencontre et leur sentiment d’isolement face à l’ostracisme d’une petite ville aux croyances ancestrales, ils peuvent rappeler certains obscurs personnages des romans de Gogol ou de Dostoïevski.) En outre, l’on signalera le raffinement de la forme cinématographique de Zoologie, notamment dans les scènes de déambulation nocturne dans le zoo de Natascha et Pétia et dans la suggestion de la beauté estivale de paysages de villes côtières russes. Au final, par son climat lourd et ubuesque un film prenant et très curieux, résolument « surréaliste » !

durée : 1 h 30

Zoologie, un film de Ivan I. Tverdovsky, Russie, France, Allemagne, VO Russe sous-titré Français, 2016
Avec Natalia Pavlenkova (Natasha), Dmitry Groshev (Pétia), Irina Chipizhenko (la mère), Aleksandr Nekhoroshikh (le chirurgien), Zhanetta (la directrice du zoo)













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