Par un habile télescopage de l’image, Christian Vincent nous relate sa vie de simple cuisinière sur une base scientifique de l’Antarctique et ses deux années passées dans le temple le plus bling-bling de France. Hortense Laborie, la cuisinière, est interprétée par Catherine Frot. Le climat du film dégage naturellement un climat très « culinaire ». Dans un souci de réalisme, les mets nous sont présentés dans toute la séduction de leurs formes et couleurs. Les ingrédients, comme des secrets d’alcôve, y sont chuchotés en petit comité dans ce labyrinthe élyséen où le personnage d’Hortense se meut, improbable. Rythmé par le décorum de la résidence présidentielle et la beauté surannée des plats, ce curieux film plonge le spectateur dans le climat de religiosité qui baigne toute cette bouffe « royale ». Egalement, la dureté des rapports sociaux nous est suggérée dans ces Saveurs du palais.
© Tibo & Anouchka
Assez convaincante, Catherine Frot interprète cette
cuisinière, cherchant à s’imposer dans un univers qui nous est décrit hostile,
de façon feutrée, avec sa hiérarchie tatillonne et ses mesquineries
administratives. La rivalité, qui oppose Hortense aux chefs de la cuisine
centrale, recoupe subtilement une conception philosophique fondamentalement
différente de l’art gastronomique. Et le souci constant d’Hortense - à la fois
mère poularde et fée de la cuisine - de trouver les meilleurs produits naturels
pour la bouche du président est mis habilement en parallèle avec le mépris
hautain des tenants de la cuisine nouvelle et l’exaspération d’une partie du
personnel devant ce perfectionnisme suspect. L’Elysée - certaines scènes des
Saveurs du palais y ont été tournées - nous est présenté du point de vue de
Hortense comme un lieu de stress et d’enivrement - la cuisinière devant
toujours anticiper le désir (culinaire) du président. A peine caricatural, Jean d’Ormesson y
joue avec réalisme ce vieux président goûtant amoureusement la cuisine
de Hortense. Cette nourriture, enrobée d’effluves littéraires, lui rappelle les
mets de sa grand-mère. (Une scène cocasse nous montre ce chef d’Etat dévorer
méticuleusement les truffes d’Henriette, un verre à la main, dans la cuisine de
l’Elysée.)
Film surprenant, Les Saveurs du
palais possède indéniablement un certain goût !
durée : 1 h 35
Les Saveurs du palais, un film de Christian Vincent, avec
Catherine Frot, Jean d’Ormesson et Hippolyte Girardot
© Tibo & Anouchka Catherine Frot (Hortense Laborie) et Jean d'Ormesson (le Président)
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