6 ans après Entre deux trains le réalisateur Pierre Filmon nous propose The Great Departure. C'est un long métrage prenant, poétique et ambigu, à la fois critique féroce de la société patriarcale et message d'amour à l'Inde éternelle.
C'est un road movie psychologique qui débute par la rencontre fortuite de deux personnages (Mansi l'Indienne et Marc l'Australien) à la gare de Delhi. Ils continueront un voyage initiatique sur la route de Rishikesh après une longue halte passée dans la ville mythique de Bénarès, considérée comme la capitale spirituelle du pays.
Le titre même du film introduit la dimension mystique propre à l'Inde. (Dans le bouddhisme, le grand départ, The great departure, appelé aussi La grande renonciation, the great renunciation, est le terme désignant le départ du prince Siddhārtha Gautama - qui deviendra ensuite le Bouddha historique - de son palais de Kapilavastu pour vivre une vie d’ascète afin de rechercher la vérité et parvenir à l’Eveil.) Par l'image le cinéaste a immortalisé l'éclatante douceur du ciel indien. Et la première partie du long métrage nous évoque sur un ton léger et intimiste, parfois drôle la relation naissante entre Mansi et Marc ainsi que le décalage culturel entre cet Australien ayant décidé de faire un break dans sa vie et cette Indienne fuyant un mari encombrant et le poids des traditions familiales.
Sans verser dans l'étude pittoresque Pierre Filmon a choisi d'introduire dans son film de nombreux personnages secondaires mais marquants comme un astrologue, le petit Sheevam, le chauffeur de taxi, un charmeur de serpents ou des policiers. Tous ces personnages nous rappellent non seulement les tensions innombrables entre tradition et modernité au sein de la société indienne mais surtout nous suggèrent le décalage existant entre ce couple naissant et les codes immuables d'une certaine partie de la société indienne.
The Great Departure est une curiosité cinématographique, portée par un poétique parfum de néoréalisme italien. Pierre Filmon a une façon légère et virtuose de filmer gens et paysages à travers un labyrinthe de ruelles ou sur les bords du Gange. Il nous suggère à la fois la beauté architecturale des ghâts, imposants escaliers montants et la pauvreté à la fois gaie et souffreteuse de tout le petit univers qui y gravite : pèlerins, marchandes de fleurs, sâdhus... Vision nocturne panoramique chargée de spiritualité comme celle que nous offre la scène où l'on voit réunis sur un bateau Mansi, Marc et Sheevam comme happés pare le proche décor théâtral des feux de crémation et des temples et ghâts illuminés.
Toujours dans ce même style cinématographique allusif et intimiste la seconde partie de The Great Departure interroge plus particulièrement la place de la femme dans la société indienne. Sonal Seghel dans le personnage de Mansi lui donne une touche supplémentaire d'authenticité dans sa tentative de définir le mal trouble dont elle souffre : un sentiment d'infériorité issu de son milieu et dont elle rend responsable la société indienne.
Avec The Great Departure le réalisateur nous propose un film sensuel et pictural, aux contours métaphysiques et imprégné par le questionnement social. Dans cette fuite sur les bord du Gange puis dans le nord de l'Inde au pied de l'Himalaya l'on pourra y percevoir une métaphore de la liberté. Interprété sur un ton juste par Xavier Samuel Marc sous des dehors joyeux nous apparaît comme un personnage plutôt tourmenté. Faisant partie intégrante de ce voyage improvisé, il partage avec Mansi le même but : fuir la réalité de sa vie. Fortement imprégné par les symboles et l'histoire de l'Inde The Great Departure est un film aussi curieux qu'envoutant !
durée : 1h 36
The Great Departure, un film de Pierre Filmon, drame, Inde/USA, anglais, couleur, 2025
Avec Xavier Samuel, Sonal Sehgal,Vinod Nagpal
Avec Xavier Samuel, Sonal Sehgal,Vinod Nagpal
(sortie nationale le 12 novembre 2025)
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