Au Théâtredes 2 Rives (Charenton-le-Pont), l'on peut découvrir L'enfant de verre, de Léonore Confino et Géraldine Martineau. Mis en scène par Alain Batis, cet ambitieux spectacle à la scénographie remarquable propose une vision à la fois poétique et acidulée de l'univers familial.
Le texte de Léonore Confino et Géraldine Martineau nous donne une description minutieuse d’un univers miné par les secrets.
© Patrick Kuhn
L'enfant de verre
A la lisière du surnaturel et nous contant l'énigmatique histoire de la famille Kilvik, L'enfant de verre nous pose une question fondamentale : en quoi le silence (ici familial) favorise-t-il la transmission des violences ? A cette interrogation cruciale les autrices et le metteur en scène ont semble-t-il apporté une réponse tant poétique que sociale. Toute la pièce happe le spectateur dans un climat étrange, à la fois réaliste et fantastique.
© Patrick Kuhn
L'enfant de verre
Elle commence par les préparatifs et la célébration d'un mariage cocasse et suggestif, rappelant par ses tableaux humains faussement joyeux le questionnement du Bertolt Brecht de La noce (1919) dans son étude théâtrale d'un banquet nuptial chaotique. Puis, progressivement cette fable familiale s'oriente vers une atmosphère plus recueillie, proche par son questionnement psychologique du théâtre d'Henrik Ibsen et de celui du Jon Fosse de Matin et soir (2003) par sa façon de décrire, par petites touches impressionnistes, le récit de ces sept vies.
Mystérieuse, féline et métaphorique, la mise en scène d'Alain Batis nous laisse deviner la fêlure secrète de chacun des personnages composant la famille Kilvik : Frédéric, le père, noyant son spleen dans la pêche et l'alcool ; Esther, la mère, aussi dépressive qu'enthousiaste ; Anja, la grand-mère, enfantine et au contact très tactile ; Liv, la cadette, qui aime danser et vit dans l'ombre de son aînée Hella, la fierté de la tribu.
Fragiles et combatifs, ces personnages, enfoncés dans un silence destructeur sous une apparente bonhomie, nous interrogent à la fois sur la dichotomie monde réel/fictif et la possibilité d'une résilience. Par mots, gestes et positionnement du corps, les sept excellents comédiens s'inscrivent pleinement dans ce spectacle onirique et suggestif au décor recherché (plateau de sable blanc, miroirs verticaux sans teint).
L'on signalera aussi l'aspect profondément sensoriel de ce spectacle dans lequel les acteurs, portés par une démarche chorégraphique, évoluent dans un univers musical énigmatique. Au coeur de cette problématique maison de verre aussi fragile que tranchante, un ingénieux dispositif de lumières balaie ses habitants, inscrivant les scènes un peu comme des tableaux façon clair-obscur. Au final, l'on recommandera ce spectacle atypique, propulsé par un texte original et par un excellent travail de troupe, celui de la compagnie La Mandarine Blanche (créée en 2002) !
durée : 1 h 30
L'enfant de verre, un texte de Léonore Confino et Géraldine Martineau
Mise en scène : Alain Batis
Scénographie : Sandrine Lamblin
Musique : Cyriaque Bellot
Costumes : Jean-Bernard Scotto
Lumière : Nicolas Gros
Avec Sylvia Amato, Delphine Cogniard, Laurent Desponds, Anthony Davy, Julie Piednoir, Mathieu Saccucci, Blanche Sottou
Théâtre des 2 Rives
(Salle du Grand T2R)
107, rue de Paris
94220 Charenton-le-Pont
le mardi 6 février 2024 à 20 h 30
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