Au Théâtre La Flèche (Paris 11e) l'on peut découvrir Le conte d'hiver, création d’après William Shakespeare (1564-1616) et mise en scène par Fitzgerald Berthon. C'est un spectacle savoureux et troublant, propulsé autant par le jeu virtuose des comédiens que par la transposition réaliste d'une pièce, véritable puzzle entre imaginaire et intériorité.
D'emblée ce qui frappe dans Le conte d'hiver, c'est avant tout l’étrangeté poétique du texte de Shakespeare, sa bouffonnerie sombre et son léger parfum de drôlerie. Passant tous azimuts du drame à la comédie avec parfois une dimension franchement mystique, comme par exemple dans l’intéressante métaphore de la résurrection de la reine Hermione sous l’apparence d’une statue, c'est un OVNI qui compte dans la production tardive du maître du théâtre élisabéthain comme une de ses réalisations les plus percutantes.
Le conte d'hiver - Théâtre La Flèche
© Christophe Raynaud de Lage
Dans Le Conte d’hiver, Shakespeare aborde le thème de la jalousie, déjà présent dans son célèbre Othello ou le Maure de Venise (1603). Il traite ce sujet avec une dimension paroxystique, avec des effets graves et et cocasses à travers l'histoire d'un roi jaloux (Leontes) soupçonnant son hôte et ami d’enfance (Polixènes) d’avoir engrossé sa femme, la reine (Hermione). Inspiré par la pièce, Fitzgerald Berthon a procédé à de nombreuses coupes de l'oeuvre originale tout en privilégiant à travers le décor et les costumes une certaine simplicité. Pour honorer la beauté et l'élégance de la langue de Shakespeare, il a choisi deux hommes et deux femmes pour interpréter les 17 rôles de cette labyrinthique tragi-comédie. Dans ce spectacle l'on ne trouvera ni masques, ni maquillages outranciers, ni effets visuels.
Le metteur en scène - qui interprète lui-même Leontes - a privilégié une certaine sobriété pour exprimer le tourment dévorant du roi de Sicile et ses conséquences dévastatrices. Complètement investis dans leur travail, les quatre comédiens font preuve d'une grande agilité, changeant de personnage à la vitesse éclair, donnant au spectateur le sentiment que ce jeu constant de fuite, d'errance et de retrouvaille débouchera bien sur une réalité supérieure. Alternant entre le glacial et le loufoque l'on notera la touche subtilement moliéresque du spectacle à travers les multiples interférences entre personnages royaux et entourage proche (seigneur, sujet, dame de compagnie...). Impuissants face à la folie destructive du roi et leur manquant sans doute le degré de culot d'un Sganarelle pour le convaincre les Camillo, Paulina et autres Antigonus expriment dans ce spectacle leur désarroi face à l'humeur capricieuse du roi autant par la parole que par une gestuelle désarticulée et comique.
Le conte d'hiver - Théâtre La Flèche
© Christophe Raynaud de Lage
Quant à Polixènes, interprété avec brio par le comédien Guillaume Geoffroy, c'est un personnage intéressant, qui au début nous apparaît débonnaire et qui au fil de l'histoire laisse transparaître d'autres aspects de sa personnalité. Fitzgerald Berthon rentre complètement dans la peau de ce personnage tragique de roi aussi rebelle aux oracles des dieux qu'aux conseils avisés de son entourage. Personnage paumé et dangereux, il sera progressivement amené à connaîtra le chemin de la raison, du pardon et de la résilience. Au final, l'on retiendra de ce spectacle son fort climat poétique mais aussi la fine et amusante transposition réaliste, qui passe comme une lettre à la poste comme lorsque les comédiens jouent d'un instrument de musique ou arborent sur scène un bob rouge !
Le conte d'hiver - création
D’après William Shakespeare
Mise en scène : Fitzgerald Berthon
Avec Fitzgerald Berthon, Juliette Dutent, Guillaume Geoffroy et Gaëlle Ménard (en alternance avec Anne Knosp)
Théâtre La Flèche
77, rue de Charonne
Paris 11e
horaires : les vendredis à 21 h
jusqu'au 7 mars 2025
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