22 ans après Destiny, le chanteur ivoirien John Kyffy signe son grand retour avec Ethiopia, disque somptueux et mélodique, mêlant sonorités africaines à la pop music, au jazz et au rock.John Kyffy est une légende ivoirienne et quoiqu'il ait longtemps arrêté de faire des disques l'artiste est toujours considéré comme le représentant le plus vivant du Zêzê Pop, né dans le courant des années 90 sous son impulsion. Agé aujourd'hui de 68 ans, l'Ivoirien assume pleinement cet ancrage à la pop anglo-saxonne sans renier le moins du monde ses racines africaines. Le Zêzê Pop reste un genre musical ivoirien à dimension internationale, et Ethiopia se profile un opus d'autant plus attractif qu'il sait - sans aseptiser - marier différents sons et styles. Le disque compte 13 titres chantés en Bheté, excepté sur « Les temps ont changé ». Ethiopia débute par « Broken City », un blues râpeux et mélancolique qui prend aux tripes. Avec sa voix déchirée, quelque part entre Jo Lee Hooker et Albert King, l'Ivoirien nous chante son enfance à Gagnoa, entre deux saignantes zébrures de guitare. Quant à « Guelle Odjiobia », c'est un sautillant reggae, traversé par un message d'espoir et parcouru d'un joyeux crescendo guitare/claviers/percussions. « Ozigbo-sery » s'inscrit dans la même veine dansante, surfant entre reggae et zouk avec quelques touches claviéresques prog. « Tegnima » se profile un titre diablement intéressant, par son mélange de sonorités dansantes afro/caribéennes à la Kassav et son atmosphère pop rock légère de fin des sixties. Par ses cuivres furtifs la chanson rappelle agréablement l'emblématique Chicago [groupe identifiable grâce à sa section de cuivres et ses harmonies vocales]. Quant au solo rapide de guitares sur « Tegnima », il rappelle le jeu particulièrement fluide de l'Ecossais Davey Johnstone, notamment sur les premiers disques d'Elton John. Enfin les claviers psychédéliques ont une petite touche de l'aventureux Procol Harum. L'on mentionnera aussi «Ohi-liassa », chanson mélodique aux rythmes variés avec ses parties de guitare country et ses sonorités de percussions afro. « Les temps ont changé » (seul titre en français) est une ballade entre chien et loup dans lequel l'artiste semble s'interroger sur l'aspect éphémère de l'existence et sur la nécessité du pardon. Quant à « Guiza-aké-nou », c'est un titre simple et nostalgique, porté par d'accrocheuses sonorités afro, celtiques et hispanisantes. Le titre n'est finalement pas très éloigné du raffinement rythmique d'un Marc Knopfer sur Dire Straits. Enfin, l'on signalera « Jesus christ pela-woh », titre accrocheur propulsé par de rapides riffs de guitares et d'élégantes touches de piano glam rock. Ce morceau s'inscrit un peu dans la même veine arty pop/jazzy d'un Joe Jackson sur Fool (2019).
Au final l'on recommandera cet opus ambitieux, à la fois incisif et chatoyant, concentrant - en une production impeccable - toute l'énergie des musiques du monde.
Ethiopia, John Kyffy, label Believe, 2023
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